07 | 2019
Joseph Hiriart et Jean-Marcel Seignouret, Maîtres français de l’Art déco.
Esquisse de dix années d’activité à Tunis (1927-1936)
Lauren Etxepare et Esmahen Ben Moussa(*)
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C’est en 1927 que débute la collaboration tunisienne entre Joseph Hiriart (1888-1946) et Jean-Marcel Seignouret (1898-1963), architectes français diplômés d’État à l’École des Beaux-arts de Paris, respectivement en 1922 et 1926. Hiriart avait créé un cabinet d’architecture à Paris avec Georges Tribout et Georges Beau. Parmi ses œuvres les plus importantes, figure le Pavillon La Maîtrise des Galeries Lafayette à l’Exposition des Arts décoratifs industriels et modernes de la ville de Paris (1925). Il a également réalisé une série de projets au Pays basque sur lesquels il a laissé l’empreinte de son style fortement marqué par la mouvance Art déco. Seignouret, pour sa part, vient tout juste de débuter lorsque les deux architectes entreprennent leur activité à Tunis. Hiriart et Seignouret ont ouvert un cabinet au 4, rue de Bretagne, dont l’activité s’est prolongée jusqu’en 1936. Ensemble, ils ont conçu toute une série de projets en Tunisie, encore que, actuellement, il ne subsiste plus que les œuvres réalisées dans la capitale, dont la ville européenne est marquée du sceau de l’Art déco. Cet article identifie et met en contexte les quatre œuvres qu’ils ont créées à Tunis : l’immeuble de rapport de l’avenue Jules Ferry (1930), la Compagnie des Assurances générales (1934), l’extension du Lycée Carnot(1935)et l’immeuble Schwich et Baizeau (1936).
Abstract
It was in 1927 that the Tunisian collaboration between Joseph Hiriart (1888-1946) and Jean-Marcel-Seignouret (1898-1963), French architects with a State degree from the École des Beaux-arts de Paris, began in 1922 and 1926 respectively. Hiriart had created an architecture firm in Paris with Georges Tribout and Georges Beau. Amonghis most important worksis the Pavillon La Maîtrise des Galeries Lafayette at the Exposition des Arts décoratifs industriels et modernes de la ville de Paris (1925). He has also completed a series of projects in the Basque Country, where he has left his style strongly influenced by the Art Deco movement. Seignouret, for its part, has just begun when the two architects began their activity in Tunis. Hiriart and Seignouret opened a law firm at 4, rue de Bretagne, whose activity continued until 1936. Together, they have designed a whole series of projects in Tunisia, although at present only works made in the capital, whose European city is marked with the seal of Art Deco, remain. This article identifies and contextualizes the four works they created in Tunis: the apartment building on Avenue Jules Ferry (1930), the Compagnie des Assurances générales building (1934), the extension of the Lycée Carnot (1935) and the Schwiche and Baizeau building (1936).
الملخص
جوزيف هيريارت (1888-1946) وجان مارسيل سينوريت(1898-1963)،مهندسان معماريان فرنسيان يحملان شهادات حكومية من كلية الفنون الجميلة بباريس،على التوالي عامي 1922 و1926.
أنشأهيريارت مكتب هندسة معمارية فيباريس مع جورج تريبيوتوجورجبو ومن بين أبرز وأهم أعماله، « جناح لاميتريزغاليري لافاييت » عام 1925 بمعرض الفنون الزخرفية الصناعية بمدينة باريس الحديثة. كما أنه أنجز سلسلة من المشاريع في بلاد الباسك حيث تميزأسلوبه ببصمةحركة « آرتديكو ». في حين أن جان مارسيل سينوريت،كان في بداياته عندالتقائه بنظيره.وفي عام 1927 إنطلقت تجربة التعاونبين المهندسين بتونس حيث فتحامقرّا في شارع بريطانيا، عدد 4،وتصورا معا سلسلة من المشاريع بكامل تراب البلاد التونسية الا أن الأعمال التي لازالت قائمة حاليا موجودة جلها بالعاصمة فيما نعبر عنه بالمدينة الأوروبية وتتميز أعمالهما بطابع ال »آرتديكو ». استمرّنشاط المهندسين الى سنة1936.
يهدف هذا المقال الى دراسة خاصّيات وسياقا لأعمالا لأربعةالتي أنشآها في تونس و هي بناية شارع جولفيري(1930)،بناية شركة الضمانات(1934) ،ملحق معهد كارنو (1935)، ومبنى سويتش بيزو (1936).
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Mots-clés : Joseph Hiriart, Jean-Marcel Seignouret, architecture Art déco, ville européenne, Tunis.
Keywords: Joseph Hiriart, Jean-Marcel Seignouret, Art Deco architecture, European city, Tunis
الكلمات المفاتيح:جوزاف هيريارت، جون مارسال سينوري، عمارة ارت ديكو، المدينة الأوروبية، تونس.
Plan ↑ |
Introduction
1-Hirart et Seignouret: les pourtours d’une expérience
2-Les principales réalisations tunisiennes du Cabinet Hirart et Seignouret
Conclusion
Texte intégral ↑ |
Après une période de relâchement du marché de la construction, corollaire au contexte de la première Grande Guerre mondiale, l’industrie du bâtiment reprend un souffle sérieux dans les années 1920, ce qui ne manque pas de conférer une vigueur et un investissement sans égard à la pratique architecturale aussi bien en métropole qu’à l’intérieur des colonies. Les temps de l’entre-deux-guerres forment alors une période d’avant-garde internationale, avantageant un cadre économique et une dynamique artistique, constructive, théorique et spéculative, favorables au développement de chantiers de constructions modernes en Tunisie. Dès lors, des projets d’envergure émergent et s’inscrivent au cœur d’une esthétique enduite. Leurs maîtres d’œuvres et d’ouvrage exerçant à Tunis la capitale, notamment, surent exploiter avec justesse l’amélioration des performances mécaniques du béton grâce au perfectionnement et à l’invention des brevets(1).
Le recours à des subterfuges éclectiques de sublimation esthétique destinée à cacher les structures en béton, qu’on n’assumait au début du XXème siècle qu’au prix d’une certaine recherche formelle, fut progressivement délaissé au profit de compositions rationnelles et équilibrées. L’adoption d’un vocabulaire Art déco en Tunisie se conjugue à l’emploi d’une certaine rigueur constructive dont l’austérité des parois lisses se trouve sobrement atténuée par l’emploi de motifs géométriques élégants et finement sculptés qui soulignent les jonctions des surfaces et par un usage courant de pans-coupés qui servent de marqueurs d’angles des façades sur rues.
C’est dans ce contexte architectural que l’architecte Joseph Hiriart double son agence d’architecture de la rue Marbeuf à Paris d’une agence tunisienne fondée en 1927, rue de Bretagne, en collaboration avec Jean-Marcel Seignouret.
Dans la littérature consacrée aux deux architectes, notamment à Hiriart, cet épisode tunisien demeure peu documenté alors qu’il représente une dizaine d’années de carrière architecturale et une série d’équipements publics et privés des plus vigoureux. Par ailleurs, l’objectif du présent article consiste à dresser le profil de ces deux architectes, délimiter les pourtours de cette expérience tunisienne et analyser les ouvrages d’art qui en ont résulté.
1-Hiriart et Seignouret : les pourtours d’une expérience
1-1-Hiriart : études et premières années
Joseph Hiriart naît à Bayonne en 1888. Après des études au Séminaire de Larresoro, il s’inscrit en 1905 à l’École des Beaux-arts de Bordeaux pour y étudier les arts industriels et décoratifs(2). En décembre 1911, une bourse de la Mairie de Bayonne lui permet d’intégrer l’École des Beaux-arts de Paris, où il fut accepté dans l’Atelier du professeur Gustave Umdenstock. Toutefois, lorsque la Grande Guerre (1914-1918) éclata, Hiriart, fut mobilisé pour partir au front où il s’enrôla dans l’aviation. Sergent dans l’escadrille Chauny, il fut forcé d’atterrir entre les lignes allemandes.
Détenu dans un camp près de Mannheim, Grand-Duché de Bade, au sud de Darmstadt, où près de 16 000 prisonniers, dont 2 000 français, travaillèrent en commandos à l’extérieur du camp, il réussit à s’évader en 1917.En 1919, il revient à la vie civile et reprend ses études d’architecture à l’École des Beaux-arts de Paris(3). Dès l’obtention de son diplôme d’architecte, Hiriart ouvre un cabinet dans la rue Marbeuf, près des Champs Élysées. Peu après, il s’associe à son camarade d’études, Georges Tribout (1890-1970), et, trois ans plus tard, à Georges Beau (1892-1958)(4). Les trois architectes eurent une renommée mondiale en 1925 grâce au Pavillon conçu pour les Galeries Lafayette à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes(5). Le Pavillon, baptisé La Maîtrise, présente un plan octogonal où une colonne couronnée d’une effigie ponctuait chaque angle. Sur l’un des côtés, un perron ouvre sur une porte d’accès ornée de motifs stylisés et surplombée d’un beau vitrail décoré d’un soleil rayonnant, créé par le maître verrier Jacques Grüber. À l’intérieur, une série de salles et de comptoirs exposant les vêtements, produits et meubles qui furent les indices d’une vie de luxe. C’était, à n’en pas douter, l’une des icônes de l’exposition dont les photographies furent publiées dans des centaines de livres et de revues tout au long du XXe siècle(6).
Parallèlement, Hiriart prit en charge les projets venus du Pays basque, l’un des lieux où sont apparus le plus clairement les signes des temps nouveaux qui avaient succédé à la Grande Guerre, caractérisés par l’optimisme, les désirs de divertissement et le luxe, combien même ils ne concernaient que les catégories aisées de la population.
Fig. 1.Villa Leïhorra, à Ciboure, Pays basque. (Crédit photo: Lauren Etxepare).
C’est ainsi que l’on voyait fleurir sur la côte basque une architecture régionaliste, dans des localités comme Saint-Jean-de-Luz, Guéthary, Ciboure ou Hendaye. À titre d’exemple, la maison de style andalou Barbarenia (1926), à Biarritz, œuvre d’Henri Giraudel, le casino de La Pergola à Saint-Jean-de-Luz (1929) de Mallet-Stevens, de style moderne, ou la villa Bagheera (1926), œuvre de Pinguisson, à Anglet, dans laquelle l’architecte a su conjuguer l’architecture de Frank Lloyd Wright avec des touches de l’architecture espagnole du Sud(7).
Mais il ne fait aucun doute que les œuvres les plus resplendissantes de cette éclosion architecturale sont celles qui furent réalisées par Joseph Hiriart, comme les villas Lehen Tokia (1925) et Itzala (1925). En 1926, sa belle-mère Madame Signoret lui commande une maison avec vue sur la mer à Ciboure, qui devait respirer le calme et la paix. Elle demande à son gendre de construire « la plus belle maison de la côte basque, avec un patio, comme ceux que nous avons vus au Mexique »(8). Elle souhaitait jouir d’un petit paradis plein de quiétude avec un jardin exubérant pour s’y souvenir de son époux décédé, ainsi que de son fils Jean, tué à la guerre en 1918. Hiriart conçoit la Villa Leïhorra, une imposante maison palladienne, au toit plat et aux moulures expressives, avec un patio intérieur et décorée avec les mosaïques du céramiste Édouard Cazaux, les ferronneries de Schwartz, les vitraux de Jacques Grüber, les carreaux décoratifs de Paul Daum et les meubles de René Prou. En outre, il a créé à l’extérieur un très beau jardin dans lequel il a élevé la sculpture d’une cigogne réalisée par Yvonne Serruys.
De cette abondante esquisse du portrait de Joseph Hiriart, l’on retient que l’homme de Bayonne fut réputé pour sa sagacité, sa flexibilité, ses paris gagnants et une capacité talentueuse à travailler en équipe.Traits de caractères qui lui serviront d’atouts indéniables pour la réussite de son entreprise tunisienne.
1-2-Seignouret : un architecte français de Tunisie
Jean-Marcel Seignouret (1898-1963) naît à Auch, capitale historique de la Gascogne. Alors qu’il fut encore enfant, sa famille était partie s’installer à Tunis où il suit sa scolarité dans le prestigieux Lycée Carnot. De dix ans plus jeune qu’Hiriart, il venait tout juste de débuter lorsque les deux architectes eurent entrepris leur activité conjointe. A la fin de la Grande Guerre où il fut mobilisé en 1917, il était admis à l’École des Beaux-arts de Paris en 1919 et passa également par l’Atelier du professeur Gustave Umdenstock. Il obtient son diplôme en juin 1926 et se distingue en dessin et en Histoire de l’Architecture.
Parmi ses premières œuvres, il convient de mentionner son monument dédié aux morts de la guerre 1914-1918, à Fabrezan (Aude), réalisé en 1927 avec l’architecte Henri Gibert et le sculpteur Firmin Michelet, ainsi que le projet de l’École primaire Supérieure de jeunes filles, à Bizerte, dont les démarches et les idées initiales remontèrent à la moitié de la décennie 1920, mais qui fut construite en 1931, dans un style arabisant.
Seignouret reste en Tunisie après la Seconde Guerre mondiale où il poursuit son activité, qui s’achèvera avec le projet d’une autre école : l’École normale supérieure d’institutrices (1961), à Tunis. À souligner, également, les deux églises dont il conçoit les projets : l’église de Beni M’Tir, dans le nord-ouest de la Tunisie, achevée en 1952 et édifiée à l’intention des ingénieurs français qui dirigeaient la construction d’un barrage sur Oued Ellil, et l’église du Sers (1953), construite à la demande des colons français du lieu ; sans oublier enfin, l’agrandissement de l’école de garçons de Bab Saadoun (1955-1967) ou de l’École normale supérieure d’institutrices à Tunis (1961-1974).
Fig. 2.École primaire Supérieure de jeunes filles, 1926 (Carte postale ; Architecte: Jean-Marcel Seignouret).
3-1-Le cabinet de la Rue de Bretagne
Au milieu des années 1920, quelques temps après la fin de la Grande Guerre et après une étape de récupération et d’activité, l’économie française commence à décliner, tout comme le nombre de commandes reçues par le cabinet Hiriart, Tribout et Beau. Le Basque envisage alors de prospecter de nouveaux clients dans d’autres pays. Les colonies françaises constituaient certainement une bonne opportunité, en particulier la Tunisie où le Protectorat conduisit une politique visant à attirer les entreprises et les professionnels français, et dont la capitale connaît une croissance exponentielle en raison de l’extension de la ville européenne et de la naissance de nouveaux quartiers, tels que Montfleury, Mutuelle-ville, Jeanne d’Arc ou Lafayette.
Presque toutes les parcelles de l’Avenue Jules Ferry étaient achevées et celles de l’Avenue de Carthage et de l’Avenue de Paris étaient en construction, soit pour remplacer des bâtiments déjà construits, soit sous forme de travaux neufs.La grande activité de construction qui régna alors dans la ville résultait de l’importation d’un phénomène d’urbanisation induit par la révolution industrielle et favorisé par le développement d’infrastructures, de moyens de transport, de mouvements d’hygiénisme et d’un arsenal juridique, dont la Loi Foncière de 1885 et le règlement de voirie de 1889 représentèrent l’ossature principale(9). D’autre part, la Municipalité, la Direction Générale des Travaux publics, la Direction des Travaux de la Ville, le Service Topographique et le Service de la Voirie sont les instruments de gestion de l’évolution de la ville. Ces logistiques urbaines vont remodeler, réinventer et moderniser la distribution de l’espace hors les murs sur une trame orthogonale et fonctionnaliste(10).
En 1927, Hiriart et Seignouret implantèrent donc leur cabinet d’architecture au 4 de la rue de Bretagne. Les projets furent généralement rédigés et dessinés dans le cabinet de Paris. Hiriart se serait rendu fréquemment à Tunis pour y faire la connaissance des clients et mettre au point les détails de chacune des commandes, tandis que Seignouret se chargea des relations avec l’administration, de la négociation des éventuelles modifications et de la maîtrise d’œuvre.Les deux architectes entretenaient également une relation d’amitié avec Victor Valensi, architecte du gouvernement tunisien (1884-1977), avec lequel ils collaborèrent au projet d’extension du Lycée Carnot.
2-Les principales réalisations tunisiennes du Cabinet Hiriart et Seignouret
2-1-L’immeuble de l’avenue Jules Ferry (1930)
L’immeuble est situé à l’avenue Jules Ferry, la principale artère de Tunis, qui relie la médina au port.Découlant d’une commande du promoteur Simon Zana, il fut établi sur un terrain de forme rectangulaire à l’angle de la rue Jules Ferry et de la rue de Bretagne.Les plans de cette construction furent esquissés par les deux architectes en 1930, et les travaux de construction réalisés entre 1930-1932 sous la direction de l’entrepreneur Raphaël Bono.
Le bâtiment, construit totalement en béton, est constitué d’un rez-de-chaussée et de cinq étages. Au rez-de-chaussée sont répartis les locaux commerciaux et l’entrée de l’immeuble.Les quatre étages sont entièrement occupés par des appartements économiques mais en même temps confortables. D’après les dessins des architectes, chaque étage est occupé par trois appartements de deux pièces et d’un appartement de trois pièces. Chacun de ces appartements comporte, outre les chambres, un salon, une salle à manger, un petit vestibule d’entrée, une cuisine, une toilette-bain et un débarras.
Au quatrième étage le plan se modifie, du côté de la rue de Bretagne. Un nouveau gabarit réduit les surfaces des appartements, dicté par l’application du règlement de hauteur de la ville. La partie en retrait est aménagée par une grande terrasse sous pergola.Enfin, au cinquième étage le toit qui, comme dans la majorité des cas, adopte la forme d’une terrasse protégée par une balustrade, est destiné à des services communs liés à chaque logement, comme des buanderies, des espaces ensoleillés de séchage du linge et autres, auxquels on accède depuis la cage d’escalier ou par l’ascenseur.
L’organisation des appartements fut étudiée pour le plus grand confort de l’occupant. Tout en donnant à chaque espace le maximum d’air et de lumière. Les architectes avaient ouvert une série de cours afin de garantir la ventilation et la luminosité des pièces intérieures dont une cour principale d’une superficie de 25 m², afin de ventiler et d’éclairer les chambres. En outre, les architectes, avaient inséré trois courettes d’environ 8 m² de superficie pour ventiler les escaliers, les cuisines et les salles de bains.
Les façades de l’immeuble présentent une série d’éléments historicistes, en adoptant toutefois des traits rationalistes au niveau de la relation entre les volumes. En raison de sa situation sur l’avenue principale de la ville, les architectes avaient particulièrement soigné les détails de la façade principale, en accentuant le jeu entre lignes horizontales et verticales et en dotant l’immeuble d’un caractère tout à la fois moderne et monumental. Ainsi, la façade principale présente trois travées aménagées par des éléments expressifs qui se répètent à tous les étages, tandis que le rez-de-chaussée est ajouré par les belles portes des devantures commerciales, qui s’avancent sous les encorbellements du premier étage. Ces dernières aient été ôtées lors des travaux de restauration réalisés après la Seconde Guerre mondiale, pour être remplacées par des fenêtres.
La travée du centre est établie en saillie, rehaussée par des loggias rectangulaires protégées par des bardeaux en fer forgé. Les balcons sont embellis de part et d’autre par des pilastres couronnés de chapiteaux ioniens. Le tout est défini, dans la partie inférieure par des consoles qui marquent la séparation entre le rez-de-chaussée et les étages supérieurs. La partie supérieure de la travée est couronnée par une frise qui accentue le caractère symétrique de la façade principale.
Les deux travées de part et d’autre sont embellies par des balcons couverts par de minces dalles de béton. Ils sont rehaussés de superbes ferrures peintes en noir, de bandes horizontales, de barreaux verticaux et d’une série de dessins ornementaux très subtils. Les balcons, témoignent de la maîtrise du béton et inscrivent l’immeuble dans une démarche esthétique moderne. À noter également l’élégante porte d’accès en fer forgé, réalisée par le ferronnier d’art italien M. Farrugia(11). La composition de la façade sur rue, la rationalité du plan et la diversité des matériaux utilisés, hissent l’immeuble au statut d’une construction résolument moderne, même si les éléments ornementaux s’en remettent au style Art déco.
Fig. 3.L’immeuble de l’avenue Jules Ferry. (Crédit photo : Lauren Etxepare).
Fig. 4. Plan du 4ème étage de l’immeuble de l’avenue Jules Ferry
(Architectes : Hiriart et Seignouret. Source : Archives de la municipalité de Tunis).
Fig. 5.Coupe transversale de l’immeuble de l’avenue Jules Ferry
(Architectes : Hiriart et Seignouret. Source : Archives de la municipalité de Tunis).
2-2-L’immeuble de la Compagnie des Assurances générales (1934)
Un concours d’architecture lancé par la Compagnie des Assurances Générales donne lieu à un immeuble de stature monumentale répondant à des fonctions multiples. La conception des plans, attribuée au tandem Hiriart et Seignouret, débute en 1934 et se prolonge jusqu’à 1935(12). Les travaux de construction avaient été confiés aux entrepreneurs M.M Casaluce et Ali Tapka(13).Outre sa destination principale de servir de nouveau siège à la compagnie, le projet ambitionne de regrouper dans le même immeuble une série de magasins et un certain nombre d’appartements avec toutes les commodités nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble.
Le terrain proposé aux architectes est d’environ 850m² de superficie, dont la Compagnie des Assurances Générales s’était rendue propriétaire, donnant angles rue Constantine, rue Souk Ahras et rue de Bône (actuellement la rue Mohamed Ali et la rue Annaba). L’immeuble repose sur des fondations réalisées par la Société Métropolitaine Fourrée et Rhodes, avec une superstructure entièrement en béton armé et un remplissage en briques creuses pour les distributions intérieures. Les planchers sont établis par un nouveau système insonore et isolant en béton et liège(14).
D’après les dessins de Hiriart et Seignouret, consultés aux archives de la municipalité de Tunis, le programme fonctionnel de l’immeuble développe une certaine diversité. Un sous-sol sert de cave et de dépôt aux magasins, un rez-de-chaussée occupé par seize magasins. L’entrée de l’immeuble, réservée sur la rue de Bône, donne accès à une grande cour intérieure de 50m² et conduit à deux grands escaliers principaux et à deux ascenseurs qui desservent les cinq étages du building, tandis qu’un escalier secondaire conduit au premier étage qui renferme les bureaux de la compagnie (15). Les bureaux sont disposés successivement le long des grands couloirs, ils sont de formes et dimensions diverses et éclairés d’une manière intense aussi bien naturellement grâce à de larges fenêtres qu’artificiellement par l’électricité.
Fig.6. L’immeuble la Compagnie des Assurances générales. (Crédit photo : Lauren Etxepare).
Les trois étages supérieurs sont entièrement occupés par des appartements de haut standing.Chaque étage comprend dix appartements d’une ou deux pièces, avec pour chaque logement une cuisine, une salle de bain et un cabinet de toilette. Les buanderies et les pièces de service sont disposées autour de la grande cour tandis que les pièces de séjour et les chambres donnent sur la rue. Au quatrième étage, en retrait, le plan se modifie et la distribution des appartements se change, les appartements sont plus petits. Le dernier étage est occupé par des buanderies.La construction est bâtie sur un plan extrêmement simple et présentant une composition symétrique malgré la complexité du programme fonctionnel(16).
Les ingénieurs du béton armé, de la célèbre société Hennebique, Georges Demarre et Harry Novak fournissent le dessin et le calcul de la structure. De même la compagnie s’est attachée à réaliser dans cet immeuble les installations les plus modernes pour le chauffage, l’éclairage et le nettoyage par vide.
La lecture des façades est plus horizontale que verticale, appuyée par la volonté des architectes de garder une séparation nette entre la base et les étages supérieurs de l’immeuble. Une dalle en saillie affichant un certain monumentalisme(17)surplombe le rez-de-chaussée à vitrines. Pour chaque étage, les architectes ont aligné une série de baies d’expression différentes.
Le traitement architectural des fenêtres fait écho au style Art déco des années 1930 ; ligne droite et forme simple caractérisent cette œuvre au vocabulaire artistique exceptionnel à Tunis. Dans leurs parties verticales, les façades sur rues offrent une puissante ordonnance des travées. La façade principale à trois travées, s’alignant le long de la rue de Bône, affiche une rigueur épurée et une symétrie parfaite. L’axe de symétrie est positionné au centre de la façade de manière à valoriser le volume central en saillie et la porte d’entrée.
Les pans coupés placés aux angles du bâtiment lui confèrent une visibilité qui vient contrecarrer l’étroitesse des rues qui l’entourent. La composition de ces angles répond à une organisation stratifiée. Au premier étage, destiné aux bureaux de la compagnie, ils placent un balcon en enfilade soutenue par une assise de corbeau, à l’instar du bloc de l’avenue Jules Ferry et, au deuxième étage, un balcon au parapet incurvé,sépare deux niveaux de bow-windows et une galerie polygonale. Sur les façades latérales, tous les éléments se concentrent en un volume rectangulaire en saillie sur la ligne de la façade. Les architectes y insèrent une série d’éléments issus de l’architecture arabe ; c’est le cas des fenêtres en arc en fer à cheval du troisième étage, presque imperceptibles depuis la rue, encadrées d’un alfiz. Autre clin d’œil à l’architecture arabe dans le magnifique accès à la maison : la porte en fer forgé réalisée par le maître artisan Ferrugia, est ornée d’une grecque aux motifs géométriques imitant un alfiz, qui entoure une double inscription indiquant, en arabe et en français, le nom du promoteur et de l’année de construction de la maison. Sur l’alfiz, quatre fenêtres étroites qui, outre le fait qu’elles soient en ogive, confèrent un aspect arabe à l’ensemble ; le tout dans une couleur terreuse, différente du reste de la façade.
Fig. 7. Plan du 2ème étage de l’immeuble de la Compagnie des Assurances générales.
(Architectes : Hiriart et Seignouret. Source : Archives de la municipalité de Tunis)
Fig. 8. Façade principale de l’immeuble de la Compagnie des Assurances générales
(Architectes : Hiriart et Seignouret. Source : Archives de la municipalité de Tunis)
2-3- L’extension du lycée Carnot (1935)
Le lycée Carnot (actuellement lycée Pilote Habib Bouguiba) demeure encore aujourd’hui le symbole tunisien de l’enseignement français et de l’intégration des élites(18). Initialement implanté à Carthage par le Cardinal Lavigerie en 1875, il fut transféré à Tunis dès 1882, rattaché à l’administration du Protectorat dès 1889 d’abord sous l’appellation Lycée Sadiki puis Lycée Carnot.A partir du début du XXe siècle, l’établissement n’a pas cessé de faire l’objet de séries d’agrandissements et de modifications mobilisant la participation de plusieurs architectes dont Jean Emile Resplandy et Victor Valensi.
Fig. 9. Vue du Lycée Carnot et du pavillon d’entrée. (Crédit photo : Lauren Etxepare).
Les locaux de la Belle Époque étant alors devenus obsolètes,(19)un projet de restructuration aboutissant à la construction d’une nouvelle aile en 1931 par Victor Valensi, dote l’édifice d’une façade monumentale. La façade a plus d’une centaine de mètres de longueur et la monotonie induite par la répétitivité des modules est nuancée au moyen d’un travail très raffiné sur le dessin des éléments de modénature secondaire : des ferronneries des grilles ornant les ouvertures du rez-de-chaussée, la mouluration des corniches, l’encadrement des baies et d’autres.
Le point d’orgue en est assurément le pavillon d’entrée de la salle des fêtes qui se dégage à l’extrémité méridionale de la façade, qui a été projeté, quelques années plus tard, par Hiriart et Seignouret, et dont la conception a certainement dû s’avérer complexe, en raison du caractère et de la présence du bâtiment auquel il devait s’adosser. Les architectes s’appuient sur l’adaptabilité du style Art déco et de la pluralité de sources dont le style se nourrit pour adopter diverses ressources et ornements, qu’ils soient africains, rationalistes ou maçonniques. Ils composent alors, avec autant d’ambition que de prudence, la porte monumentale d’accès à la salle des fêtes, ainsi que tous ses éléments et son agencement interne. Hiriart insère, au centre de ce simple bastion en forme de parallélépipède, une élégante porte aux proportions verticales qui renvoie aux portes conçues pour La Maîtrise ou la Villa Leïhorra. Afin de doter la porte d’ordre et d’échelle, il dispose deux colonnes colossales papyriformes, dont les chapiteaux reproduisent la fleur du papyrus encore en bouton.
Fig. 10. Vue frontale du pavillon d’entrée du Lycée Carnot. (Crédit photo : Lauren Etxepare).
Fig. 11. Vue intérieure du pavillon d’entrée su Lycée Carnot(Crédit photo : Lauren Etxepare).
La majesté de l’ensemble, qui paraît, certes, quelque peu excessive s’agissant, somme toute, de la salle des fêtes d’un lycée, révèle, en ces périodes politiquement incertaines, la volonté de prestige des instances du protectorat. L’intérieur de la salle, dotée d’un équipement moderne de projection cinématographique, présente une structure de balcons en hémicycle, suivant une géométrie rigoureuse, avec des assises aux tons chauds.Au tiers de la hauteur de cette porte, un balcon courbe avec balustrade fait saillie et, au-dessous la porte au riche travail de vitraux et de ferronnerie, tout en entrelacs et croisillons, témoigne du haut niveau atteint par les artisans locaux, très vraisemblablement italiens. En bordure de la porte, deux rangées de pointes de diamant, et, sur la porte, une frise qui attire l’attention : « un bas-relief avec une série de dessins géométriques appartenant à l’imaginaire maçonnique : à chaque extrémité, les colonnes du temple de Salomon, au centre, la houppe dentelée et les équerres, entourées par le symbole des trois points »(20). La porte est une œuvre d’art d’une grande élégance : l’utilisation circonspecte des motifs égyptiens, la statutaire maçonnique et les élégants travaux de ferronnerie en font certainement un élément unique, de grand caractère, qui ressort du reste de la façade et qui, en tonalité Art déco, annonce le caractère de temple du savoir qu’est un lycée.
Toutefois, l’élégance de la porte se propage à l’intérieur du foyer, en une sorte de continuité stylistique. Une fois à l’intérieur, depuis le vaste foyer, on accède à la cour de la salle et, à gauche du foyer, s’élève un escalier magnifique à deux volées, avec une balustrade en fer forgé merveilleusement ouvragée et une rampe en maçonnerie parachevée d’une main-courante sinueuse en bois. À l’entresol, à hauteur du balcon extérieur et face au balcon de l’étage supérieur, se trouve un superbe vitrail, aux motifs de couleurs géométriques, qui inonde de lumière l’espace intérieur.
2-4- L’immeuble Schwich et Baizeau sur l’avenue Carthage (1936)
À Tunis, plusieurs immeubles, dont celui de l’avenue de Carthage, représentent la puissance de la société Schwich et Baizeau. L’histoire de cette entreprise est liée à celle de ses fondateurs dont les itinéraires professionnels illustrent la réussite des colons en quête d’opportunités. L’ingénieur Vincent Schwich débute sa carrière en Algérie, puis s’installe à Tunis en 1890 pour y représenter les intérêts de la société Pavin-Lafarge. En 1900, il s’associe à Gabriel Julien pour fonder une société de fabrication de matériaux de construction, dont la Tunisie avait tellement besoin. En 1902, Lucien Baizeau rejoint l’association, la société Schwich et Baizeau fut alors créée. La société met à la disposition des candidats à la colonisation l’ensemble du matériel et du savoir-faire nécessaires pour s’installer en Tunisie et alimente le fructueux marché des fournitures indispensables à la colonisation agricole(21).
Baizeau connaissait et appréciait l’architecture moderne. Il est par ailleurs connu pour la villa qu’il a fait construire en 1928 à Carthage et dont il avait confié les plans à Le Corbusier. Il était conscient de l’importance de l’architecture dans le domaine des finances et de l’entreprise, qui pouvaient servir de moyen de représentation sociale. Ainsi, séduits par l’intérêt que présentait à l’époque l’avenue de Carthage, les associés eurent opportunément l’idée de construire un complexe monumental. Edifié sur l’emplacement de deux types de bâtisses préexistantes : d’abord l’ancienne Recette générale des Finances de l’architecte Paul Baron, composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage puis un ensemble de dépôts et de magasins appartenant à la société Schwich et Baizeau. L’entreprise ayant lancé un appel d’offres, c’est Hiriart et Seignouret qui en sont lauréats.
Fig. 12.Vue de l’immeuble Schwich et Baizeau.(Crédit photo : Lauren Etxepare).
Fig. 13.Plan du 2ème étage de l’immeuble Schwich et Baizeau
(Architectes : Hiriart et Seignouret. Source : Archives de la Municipalité de Tunis).
Avec la construction du nouvel immeuble, les deux associés souhaitaient montrer la puissance de l’entreprise et l’essor qu’elle avait connu(22). Le siège social des Établissements Schwich et Baizeau, à l’angle de l’avenue de Carthage et de la rue du Portugal, en est la parfaite illustration, constituant ainsi une opération d’importance dans le secteur sud dans ces années d’entre-deux-guerres. En l’édifiant en 1936, les deux associés désiraient matérialiser de façon pérenne leur fulgurante et indéniable ascension.
Avec sa façade rythmée en partie centrale par une série de hautes bandes verticales et ses balcons prismatiques, l’inspiration de l’immeuble n’est pas éloignée de celle du Colisée, construit quelque six ans auparavant, s’inscrivant également dans la mouvance de la “modernité classique” optée par Piollenc et Royer. S’élevant sur sept niveaux au-dessus du rez-de-chaussée, hauteur inusitée dans la Tunis de l’époque, majestueusement ceint sur son pourtour d’un vaste auvent en porte-à-faux, l’ensemble fait figure d’exception dans le panorama urbain.
Les deux halls d’entrée situés sur les façades latérales, respectivement rue du Portugal (aujourd’hui Farhat Hached) et rue Marceschau (aujourd’hui Oum-Kalthoum), desservent de vastes cages d’escalier dont le dessin fort élégant témoigne du grand soin apporté aux détails. Loin des séductions colorées de la veine méridionale, le décor reste dans les nuances de blanc et gris, affirmant en concomitance avec la pureté du tracé, une inspiration toute parisienne dont le chic semble vouloir se démarquer des excès caractérisant parfois l’italianisme ambiant.
L’immeuble Schwich et Baizeau, d’autre part, est la preuve des conflits d’enjeux et d’intérêts qui ont souvent opposé le corps administratif aux architectes, aux entrepreneurs et aux propriétaires. Construit en 1936, c’est une propriété à l’allure monumentale en comparaison avec le gabarit des autres bâtiments situés avenue de Carthage. La correspondance entre les architectes et la Municipalité fait apparaître un jeu subtil de négociations(23). Une convention tripartite entre la Direction des Travaux Publics, la Municipalité de Tunis et messieurs Schwich et Baizeau est signée le 2 juin 1925 fixant la hauteur maximum de cet immeuble à 22 mètres, correspondant bien à la hauteur maximale prévue par le règlement de voirie de l’époque, augmentée de 2 mètres, objet d’une dérogation demandée par Seignouret pour construire des Pergolas au 6ème étage et en retrait.
En janvier 1936, les architectes demandent les dérogations suivantes au règlement de voirie : couronner la façade au droit de bow-windows, remplir par le gros œuvre la hauteur de la façade au même niveau de tous les côtés donnant sur des rues et des places d’inégales largeurs. Ces dérogations furent accordées sous certaines réserves. La façade sur la rue Marceschau ne devait pas dépasser l’alignement d’une hauteur de 26 mètres, saillies comprises. Mais les propriétaires sollicitent à nouveau l’élévation de leur immeuble, cette fois à 27 mètres. Le directeur de voirie note alors que la hauteur du bâtiment a été déterminée de manière « absolue » et non « relative »et que les nouvelles modifications subies par le Règlement de voirie augmentant la hauteur maximale à 25m au lieu de 20m, autorisent les établissements Schwich et Baizeau à réclamer le bénéfice d’un supplément de hauteur.
Par ailleurs, la question de la construction sur arcades doit être examinée en fonction d’un plan d’ensemble d’aménagement de la place de la gare, de manière que celle-ci soit composée harmonieusement et que l’on évite de créer, sur l’un des côtés de ladite place, un immeuble dont l’architecture et les dimensions produisent un effet disgracieux.
Fig. 14.Vue des escaliers depuis le hall de la rue Farhat Hached(Crédit photo : Lauren Etxepare).
Fin des années 30. Fin de l’étape tunisienne
Schwich et Baizeau est le dernier projet réalisé conjointement par Hiriart et Seignouret. Ce projet clôt la série de travaux réalisés à Tunis. Bien que n’y ayant plus sa résidence habituelle et en alternant avec d’autres résidences à Paris et au Pays basque, il n’en demeure pas moins qu’Hiriart a exercé pendant dix ans à Tunis, démontrant ainsi sa capacité à obtenir consécutivement plusieurs projets, dont certains d’envergure. Le fait de s’être associé à Jean-Marcel Seignouret lui a certainement donné l’opportunité de s’intégrer dans la communauté des colons européens et d’entrer en contact avec des promoteurs et des acteurs de l’administration locale. Quant à savoir ce qui l’a conduit à abandonner Tunis en 1937, les motifs sont divers, encore que le premier en soit la crise économique dont le pays a souffert dans les années 30, qui ne fait que renforcer la crise et l’instabilité politique, tant dans la métropole que dans le Protectorat(24).
Somme toute, sans se dessaisir de ces associés parisiens, Hiriart mène pendant dix ans une carrière tunisienne tout en pilotant en fin stratège, ses réseaux de contacts, ses commandes et ses conceptions. Il a su faire confiance et léguer une grande part du travail à son collaborateur présent sur les lieux, Marcel Seignouret. Tous les deux ont laissé leur empreinte dans la ville européenne de Tunis, à travers une série des bâtiments les plus représentatifs en style Art déco de la capitale. Grâce à leur connaissance de l’histoire de l’architecture, ils ont su intégrer dans leurs conceptions des éléments historicistes, qu’ils soient classiques ou d’autres provenant de la culture égyptienne, et d’employer avec sagesse des éléments architecturaux contextuels.
Bibliographie ↑ |
Références bibliographiques
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Documents d’archives
Archives de la municipalité de Tunis
Immeuble sur la propriété de Monsieur Simon Zana. Avenue Jules Ferry (1931). Architectes : Joseph Hiriart et Jean-Marcel Seignouret.
Immeuble rue de Constantine rue de Bone et Rue Souk-Ahras. Compagnie d’Assurances Générales (1933). Architectes : Joseph Hiriart et Jean-Marcel Seignouret.
Construction d’un immeuble à Tunis. Schwich et Baizeu (1936). Architectes : Joseph Hiriart et Jean-Marcel Seignouret.
Archives Nationales de Tunisie
Plans correspondances et notes concernant l’agrandissement de Lycée Carnot à Tunis (1941-56). Architectes : Joseph Hiriart et Jean-Marcel Seignouret.
Notes ↑ |
(1) Le marché de la construction, la législation qui lui est lié les débats, les nouveaux brevets, l’ingénierie du bâtiment, les nouveautés, sont tous autant d’éléments qui font l’objet d’une littérature assidue et très à la pointe de l’actualité en la matière, formée de journaux tel que le journal, bien que tardif, Construire, Organe de la Chambre Syndicale du Bâtiment et des Travaux Publics ou de revues telle que Chantiers. Revue mensuelle illustrée de la construction en Afrique du Nord.
(2) V. Lannes, 2015, p. 10.
(3) S. Texier, 1995.
(4) C. Bilas, 2012.
(5) E. Bréon, P. Rivoirard, 2013.
(6) G. Mourey, 1925.
(7) M. Narbaïts-Fritschi, 2008.
(8) C. Bilas, 2012.
(9) E. Ben Moussa, 2014.
(10) E. Ben Moussa, 2016.
(11) Chantiers. Revue mensuelle illustrée de la construction en Afrique du Nord, mars 1932, p. 227.
(12) L’autorisation de construire fut déposée en décembre 1933 par les deux architectes mais les travaux de construction ne commenceront qu’en octobre 1934 pour se terminer 8 mois après, dans un délai relativement court en mai 1935. Le temps d’attente entre décembre 1933 et octobre 1934 se justifie par quelques négociations entamées entre les architectes et le service d’architecture et de voirie de la municipalité par rapport à la hauteur du gabarit se situant sur 3 rues d’inégales largeurs. Modifications accordées par la municipalité après nouvelle présentation de plans en avril 1934.Archives Municipales de Tunisie (AMT), Registre de Voirie (RV) 3815, 8 décembre 1933.
(13) Les travaux de construction de l’immeuble ont été assurés par les firmes et professionnels suivants : Ingénieurs du béton armé de la superstructure MM. Demmare et Novak ; Etudes et exécution des fondations sur pieux et cuvelage sous-sol réalisés par Bureau Veritas et la Société métropolitaine Fourrée et Rhodes ; Béton armé de la superstructure et gros œuvre réalisé par Entreprise Casaluce ; Etanchéité du sous-sol et des terrasses par la Société des mines de Bitume et d’asphalte du Centre ; Menuiserie par F. Galia et Cie; Chauffage central, plomberie, sanitaire par Etablissement Fred Menotti ; Ascenseurs par la Société Bâtiment ; Ferronnerie par M. Farrugia ; Installation électrique par Etablissement Electro Sarfati et Hagège ; Peinture et vitrerie par Au Camion d’Or.
(14) Journal des travaux publics et du bâtiment : organe du Syndicat des entrepreneurs de travaux publics de l’Algérie et de la Tunisie, 10 janvier 1935, p. 5.
(15) Journal des travaux publics et du bâtiment : organe du Syndicat des entrepreneurs de travaux publics de l’Algérie et de la Tunisie, 30 aout 1935, p. 6.
(16) J. Huebert, C. Piaton, 2011, p. 150.
(17) L. Quattrocchi, 2013, p. 70.
(18) J. Hueber et C. Piaton, 2011, p. 143.
(19) V. Lannes, 2015, p. 127
(20) J. Huebert, C. Piaton, 2011, p. 143.
(21) J. Huebert, C. Piaton, 2011.
(22) C. Bilas, 2010, p. 214-215.
(23) E. Ben Moussa, 2014.
(24) J. Poncet, 1976.
Pour citer cet article ↑ |
Lauren Etxepare et Esmahen Ben Moussa, « Joseph Hiriart et Jean-Marcel Seignouret, Maîtres français de l’Art déco.Esquisse de dix années d’activité à Tunis (1927-1936) », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’architecture maghrébines [En ligne], n°7, Année 2019.
URL : http://www.al-sabil.tn/?p=5447
Auteur ↑ |
Lauren Etxepare, architecte, professeur au département d’Architecture (Universidad del Pais Vasco-Euskal Herriko Unibertsitatea)
Esmahen Ben Moussa, Assistante à l’Institut Supérieur des métiers du Patrimoine, doctorante au Laboratoire d’archéologie et d’architecture maghrébine (LAAM), Université de la Manouba.