08 | 2019 

« Lieu saint partagé » ou approprié ? La patrimonialisation de la Ghriba de Djerba et de son pèlerinage

Dominique Jarrassé (*)

Résumé | Entrée-d’index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumé

La Ghriba, synagogue de Djerba qui accueille un pèlerinage en l’honneur d’une sainte assez énigmatique, se trouve depuis quelques décennies au cœur d’enjeux patrimoniaux complexes, d’une part en raison de son statut de patrimoine juif sur une terre d’islam où vit encore une communauté, d’autre part en lien avec le développement touristique de l’île, puisqu’elle est devenue un des sites que l’on « doit » visiter, et avec une forme de nationalisation. Or cela s’accompagne d’un processus d’appropriation conforté par le discours de certains anthropologues : la Ghriba serait un « lieu saint partagé » par des fidèles juifs et musulmans, voire « judéo-musulman » ! Or, si effectivement une pratique musulmane se développe, elle tient à des circonstances nouvelles, alors qu’on voudrait faire croire qu’il en a toujours été ainsi. La Ghriba étant par ailleurs le seul élément de patrimoine juif pris en considération dans le projet d’inscription de Djerba au Patrimoine mondial, on comprend l’ambiguïté de la démarche en cours qui intègre non pas les richesses architecturales et culturelles exceptionnelles du judaïsme djerbien, mais un monument hybride, à haute valeur politique et touristique et même « partagé »…

Abstract

“Shared holy place” or appropriate? The patrimonialization of the Ghriba in Djerba and its pilgrimage.
The Ghriba, synagogue of Djerba which hosts a pilgrimage in honor of a fairly enigmatic saint, has for several decades been at the heart of complex heritage issues, partly because of its status as Jewish heritage on a land of Islam where a community still lives, on the other hand linked to the tourist development of the island, since it has become one of the sites that one “must” visit, and to a form of nationalization. That is accompanied by a process of appropriation reinforced by the discourse of certain anthropologists: Ghriba would be a “shared holy place” by the Jewish and Muslim faithful, even “Judeo-Muslim”! However, if indeed a Muslim practice develops, it is due to new circumstances, while one would like to believe that it has always been so. Ghriba being the only element of Jewish heritage taken into account in the project of inscription of Djerba in the World heritage, one understands the ambiguity of the current process which does not integrate the exceptional architectural and cultural property of the Djerbian Jews, but a hybrid monument, of high political and tourist value and even “shared” …

الملخص

“مزار مقدس مشترك” أو ممتلك؟ إدماج الغريبة والحج اليها ضمن البعد التراثي
معبد الغريبة اليهودي بجربة، الذي يستضيف سنويا عديد الحجاج تكريما لقديسة مغمورة، أصبح منذ سنوات يحمل إشكاليات تراثية معقدة، ويرجع ذلك جزئيا إلى وضع المعبد كموروث يهودي على أرض إسلامية حيث لا تزال تقيم جالية يهودية هامة، ولارتباطه من ناحية أخرى بالتنمية السياحية للجزيرة. وأصبح المعبد وجهة مؤكدة يتحتم زيارته، وأخذ حج الغريبة لذلك أبعادا “وطنية”. وصاحبت ذلك عملية استملاك للمكان يعززها خطاب بعض علماء الأنثروبولوجيا التي تصف الغريبة بأنها “مزارا مقدسًا مشتركًا” بين اليهود والمسلمين، وتتحدث حتى عن “اليهودي المسلم”! وتنسى أن تطور ظاهرة مشاركة المسلمين في الزيارة حديثة ومرتبطة بظرفيات مستجدة.
ومن ناحية أخرى، وضمن مشروع تسجيل جربة في قائمة التراث العالمي، تم الاقتصار على الغريبة على أنها الممثل الوحيد للتراث اليهودي بالجزيرة. وهذا ما يضفي على المشروع الكثير من الغموض والالتباس لأنه في تمشيه لا يعتبر ثراء التراث المعماري والثقافي العبري بالجزيرة ويلخصه في معلم تراثي وحيد مخضرم أو “مشترك”، ذو قيمة سياسية وسياحية عالية.

Entrée d’index

Mots-clés :Djerba, synagogue, Ghriba, pèlerinage juif, patrimoine architectural juif.
Keywords: Djerba, Ghriba, synagogue, Jewish pilgrimage, Jewish, architectural heritage.

الكلمات المفاتيح: جربة، الغريبة، الكنيس اليهودي، حج اليهود، التراث المعماري اليهودي.

Plan

Introduction
1.Qu’est-ce que la Ghriba ?

2.Un « lieu saint partagé » ?
3.Mise en tourisme et nationalisation
4. Une focalisation regrettable sur la seule Ghriba : des guides au projet Unesco
Conclusion

Texte intégral

Introduction

En raison de la richesse et de la variété de ses traditions et de sa population, par l’originalité de son paysage et de son architecture, mais aussi face à l’ampleur des menaces qui pèsent sur cette île convoitée, Djerba est l’objet de nombreuses réflexions et débats, d’opérations de mise en valeur et même d’une candidature à la reconnaissance comme Patrimoine mondial. Tout cela est légitime au regard de la qualité exceptionnelle de la culture et du patrimoine matériel et immatériel de cette île. Toutefois les processus de patrimonialisation en cours soulèvent bien des interrogations en raison d’un entremêlement de valeurs historiques, politiques et idéologiques qui ne va pas sans ambiguïtés et dénis.

Au cours de longues recherches, menées depuis 2003, sur le patrimoine juif de Tunisie(1), et tout particulièrement sur celui de Djerba dont le caractère reste unique au monde, nous avons pris conscience d’un double processus d’appropriation qui, outre son intérêt anthropologique, permet de mesurer l’échec d’une patrimonialisation inclusive, c’est-à-dire une patrimonialisation qui soit le support d’une ouverture à l’altérité et non d’une forme insidieuse de discrimination renouvelée. La Ghriba est au cœur des enjeux. Ces processus d’appropriation, d’ordres assez contrastés, peuvent se résumer à travers ces mots à suffixes qu’affectionnent les sociologues : patrimonialisation, culturalisation, nationalisation, islamisation, mondialisation, médiatisation… qui indiquent tous que l’on est face à des opérations volontaires de transformation des valeurs d’un patrimoine, que l’on y voit un objet dont on ne se soucie pas tant dans sa nature même que pour ce qu’on peut en tirer, un objet malléable riche de potentialités d’appropriation. Ce mot a divers sens, tous à l’œuvre ici : adapter à sa vision ou visée, conformer, prendre possession, voire exproprier… Car qu’envisage-t-on de patrimonialiser quand on parle de la Ghriba, d’un édifice reconnu digne dès 1922 d’un classement « monument historique » mais largement transformé (fig. 01), ou du patrimoine immatériel d’un pèlerinage profondément dévoyé aujourd’hui ?

Au seuil de cette réflexion suscitée par une certaine inquiétude devant une méconnaissance persistante, on nous permettra de citer – trop longuement certes, mais c’est là que nous avons le plus intensément imaginé un avenir à ce patrimoine – le passage sur Djerba dans la conclusion de notre livre paru en 2010 : « Arrivé à Djerba, le visiteur n’en croira pas ses yeux devant une vingtaine de synagogues reparties dans deux villages, parfaitement intégrées, et face à la Ghriba, lieu solitaire riche d’une aura née de son pèlerinage, mais aussi d’un patrimoine immatériel séculaire. Dans cette île, dont la culture est déjà tellement spécifique, la composante juive, toujours vivante, prend une coloration totalement originale en raison d’une histoire particulière, mais aussi de l’élaboration d’un type architectural propre, et par-delà, d’un espace de vie. Les synagogues de Hara Kebira sont une anthologie des modèles architecturaux et des décors des synagogues du Sud, mais encore des lieux vibrant de vie religieuse ou s’est maintenue cette culture. On souhaiterait qu’en entrant dans Hara Sghira (Erriadh) s’éveille la conscience de pénétrer dans un lieu sanctifié par sa fonction religieuse, son histoire et sa beauté, un lieu où souffle(ait) l’esprit ; qu’une protection au titre du patrimoine tunisien, relayée par un label Unesco Patrimoine mondial, vienne au plus vite protéger le village de la “sidi-bou-saïdation” et le conserver aux générations futures ! Reposez-vous enfin dans la sérénité de la cour de la yechivat Rebbi Abraham dont vous apercevrez, dans la pénombre, les arcs en chainette d’une émouvante simplicité.(2) »

Dix ans plus tard, non seulement l’évanouissement de ce patrimoine, tant matériel qu’immatériel, se poursuit, mais le renforcement de certaines appropriations, voire une forme de manipulation de la mémoire, peut rendre pessimiste. Pourtant un projet Unesco a bien vu le jour : mais on doit interroger, pour ce que l’on en sait, sa prise en compte du patrimoine juif de l’île : la seule Ghriba mérite-t-elle de contribuer à une valeur universelle exceptionnelle, réelle nous pouvons l’attester, d’une île où l’on continue peut-être à manger du lotos ?

1.Que’est-ce que la Ghriba ?

Ce mot qui en arabe désigne « l’étrangère » ou « l’esseulée » caractérise à la fois une femme mythique et une synagogue construite sur la grotte où elle aurait été enterrée et qui devint le cadre d’un pèlerinage et de rituels assez éloignés du judaïsme traditionnel. D’autres récits président à l’implantation de cette synagogue située effectivement en rase campagne, à un kilomètre du village de Hara Sghira. On saisit d’emblée qu’il s’agit d’un culte de sainte comme l’Afrique du Nord en présente plusieurs, telle Lalla Manoubia. Mais ici l’originalité de ce pèlerinage, malgré l’origine incertaine de la femme qui aurait vécu et été ensevelie là après avoir été foudroyée, tient au fait qu’il est né au milieu de juifs profondément religieux et savants, à la différence par exemple de la Ghriba du Kef qui semble avoir attiré des juifs des campagnes ayant perdu une bonne part de leur pratique, les Bahousim. Le plus souvent, dans les autres synagogues qualifiées comme ghribas qui se rencontrent en Afrique du Nord, il s’agit non d’une femme, mais d’un rouleau de la Tora arrivé miraculeusement. D’ailleurs, même à Djerba, des légendes concurrentes président à la fondation de la synagogue qui posséderait des rouleaux antiques, mais aussi des pierres ou la porte du Temple de Jérusalem amenées par les prêtres (cohanim) après sa destruction par les Assyriens (586 avant l’ère commune).  Le pèlerinage sur la tombe d’une femme, hormis les matriarches, est peu courant dans le judaïsme, la pratique existant surtout pour des tombes de grands maîtres comme rabbi Meir et rabbi Shimon bar Yohaï (à l’occasion de Lag baOmer, jour retenu aussi pour le pèlerinage de la Ghriba) à Meron et Tibériade en Galilée, pour rabbi Nahman de Brastlav à Uman en Ukraine… Mais il s’agit toujours d’hommes reconnus pour leurs connaissances, dotés d’une aura de sainteté transparaissant dans leurs actions, et non d’une inconnue à l’identité incertaine. Le Maghreb, surtout le Maroc, offre de nombreux exemples de cultes des rabbins. En Tunisie même, les pèlerinages sur les tombes de rabbi Haï Taieb à Tunis, rabbi Yacoub Slama à Nabeul, rabbi Fraji Chaouat à Testour ou encore rabbi Youssef haMaaravi à El Hamma de Gabès, sont les plus célèbres. Ce n’est pas le cadre pour examiner les hypothèses sur ce phénomène, tellement exceptionnel d’ailleurs, que certains rabbins de Tunis déconseillaient à leurs fidèles de s’y rendre(3) : les pratiques dévolues aux femmes comme la consécration d’œufs dans la grotte (fig. 02) ou de foulards sur la menara(4) (fig. 03) leur paraissaient relever de la superstition. Ce culte se révèle évidemment très proche des ziaras aux marabouts musulmans… Une véritable symbiose judéo-musulmane explique certains rites, mais pour autant la Ghriba de Djerba est-elle un « lieu saint partagé » ?

2.Un « lieu saint partagé » ?

Le succès indéniable d’une exposition, Lieux saints partagés, présentée au Mucem à Marseille(5), puis à Paris au musée de l’Histoire de l’immigration sous le titre de Coexistences. Lieux saints partagés en Europe et en Méditerranée(6), a pu contribuer à renforcer le sentiment que le pèlerinage de la Ghriba était commun aux juifs et aux musulmans(7). Aujourd’hui cela est affirmé un peu partout comme une évidence. S’il est indéniable que des femmes, car il convient de se souvenir que ce sont elles (fig.04), habituellement exclues des synagogues djerbiennes, qui durant deux jours, y viennent en force, ce pèlerinage est-il pour autant « judéo-musulman », comme tend à la montrer une belle photo souvent reproduite et reprise pour la couverture du catalogue de Paris : Juive et musulmane priant pieds nus dans la synagogue de la Ghriba (fig. 05) ? Une inscription murale dans l’exposition parisienne informait que « l’indétermination confessionnelle de cette figure peut sans doute contribuer à expliquer la fréquentation de ce lieu saint par des juifs et des musulmans, qui continue encore de nos jours, en dépit de l’attentat meurtrier qui a frappé la synagogue en 2002 ».

Dans cette exposition, l’enjeu n’était évidemment pas l’alternance des cultes catholique et protestant dans les églises simultanées d’Alsace, mais essentiellement les relations des mondes juif, chrétien et musulman en Méditerranée… Le contexte explique le substrat idéologique de cette exposition, les exagérations terminologiques à laquelle elle a donné cours, voire l’unicité des points de vue.

La démarche anthropologique ne peut-elle parfois figer en un « éternel présent » ou un « temps supprimé », selon l’expression de Lévi-Strauss(8), une pratique exceptionnelle ou récente ? Il est intéressant de voir comment Djerba a toujours suscité le fantasme orientaliste ou primitiviste de l’ « intemporel », que nous avons qualifié d’illusion(9). Nous n’accusons pas cette photo de falsification, mais elle rend compte de ce que le discours de l’exposition, sous-tendue par une défense et illustration du vivre-ensemble – bienvenue en des temps de fanatisme politico-religieux – souhaitait établir, au détriment d’une approche plus historique qui nuancerait la réalité d’un fait social. Le catalogue, après avoir rappelé l’origine juive du pèlerinage, précise : « Attirées par le magnétisme spirituel de l’endroit et par le pouvoir attribué à la “sainte”, les musulmanes conduisent leurs rituels, notamment sous forme de vœux. Le cas le plus emblématique est celui des œufs votifs déposés à l’emplacement où le corps de la Ghriba aurait été jadis retrouvé. À ce titre, ce lieu saint est l’un des derniers cas actifs et emblématiques des croisements judéo-musulmans qui ont prévalu pendant de longs siècles dans le Maghreb. Ce maintien semble corroborer la fonction de conservatoire souvent attribuées aux îles »(10)

Nouvelle modalité du mythe de la « convivencia »(11) (Coexistences, 2017, p. 48), le « lieu saint partagé » appelle des ajustements. Quelques reportages, quelques interviews ne sauraient suffire à affirmer l’ancienneté d’un rite. Évidemment le rite porte en lui-même sa logique et sa valorisation et il est normal que celui qui le pratique dise « de tout temps », sinon ce serait admettre une historicité en désaccord avec son caractère sacré ou du moins traditionnel. Les interviewés du film de Manoël Panicaud sont très représentatifs sur ce point(12). Ils expriment un « vécu » et un « ressenti », pour utiliser des mots à la mode médiatique. Ainsi la thèse à démontrer étant que « de tout temps » les musulmans ont fréquenté la Ghriba, il est aisé de trouver des gens qui en sont persuadés, de bonne foi. La fraternisation entre juifs et musulmans dans un rite lui-même inspiré par la tradition de la ziara est compréhensible. Et, argument suprême, on se déchausse à l’entrée de la salle qui contient les arches saintes et la grotte (fig. 06) ! Quant aux « superstitions », elles circulent entre les deux communautés. Des femmes juives (car évidemment ce sont elles surtout qui passent pour superstitieuses !) allaient se faire bénir par tel marabout, recouraient au stambali contre les jnoun… Des musulmanes se sont aussi glissées dans les synagogues dédiées à des saints juifs, rabbi Haï Taïeb ou la Ghriba. Cette tolérance réciproque d’autrefois est-elle renouvelée aujourd’hui ? On peut en douter, car le contexte de la Ghriba est maintenant radicalement différent des temps anciens, politique, appropriation et tourisme en ont transformé le sens et les pratiques.

Sur le plan de la question de la fréquentation musulmane, notre propre expérience à Djerba entre 2003 et 2019 nous permet de saisir des évolutions. Il convient de rappeler que durant Lag baOmer, la synagogue de la Ghriba change quasiment de statut. Ce n’est pas un rituel proprement juif qui s’y déroule comme les autres jours de l’année, mais un pèlerinage avec bougies, consécration d’œufs, prières de sollicitation et procession de la menara, étrange pyramide à roulettes qui paraît tenir son nom de la menora, le chandelier du Temple, mais est traitée comme un rouleau de Tora en recevant manteau et couronne… Jusqu’à il y a peu, la menara était transportée au milieu des chants de chantres célèbres comme Yacoub B’chiri, et des fidèles, de la Ghriba au village de Hara Sghira, précisément jusqu’à la synagogue Rebbi Abraham (fig. 7). Autrefois, la menara tournait longuement dans tout le village, aujourd’hui, pour des raisons de sécurité, elle n’est menée en procession que sur une centaine de mètres hors de l’enceinte quasi fortifiée du site de la Ghriba. La fête qui se tient dans la cour de l’oukala située en face de la synagogue et qui recevait autrefois les pèlerins, a toujours été présente.

Bien avant nous, au début des années 1980, Lucette Valensi et Abraham L. Udovitch ont étudié et décrit les étapes de ce pèlerinage. À propos de la procession, ils précisent « Les musulmans, hommes et femmes, se joignent à la foule, en spectateurs ». Plus loin, ils ajoutent : «  l’orchestre précède le cortège, les pèlerins entourent et suivent la menara, de jeunes musulmanes s’introduisent dans la procession, quelques voitures ferment la marche.(13) » Ainsi, même dans la partie du pèlerinage qui se déroulait hors les murs, les musulmans étaient « spectateurs » et si quelques femmes s’intégraient au rituel, cela demeurait assez exceptionnel, toléré sans problème ; les auteurs le disent « Plus de séparation entre les hommes et les femmes, les enfants et les adultes, les juifs de la grande Hara et ceux de la petite, les musulmans et les juifs, les indigènes et les étrangers ». Au début des années 2000, il était encore rare que les musulmans pénètrent dans la synagogue, un obstacle étant aussi les contrôles intensifiés après l’attentat.

Que les musulmans respectent la dimension « sacrée » de cette synagogue, que quelques-uns se mêlent aux pèlerins n’attestent pas un culte judéo-musulman, un partage de nature religieuse. Si personne ne peut évidemment mettre en cause la défense d’un « vivre-ensemble » portée par ces expositions, le partage auquel il convient d’aboutir n’est pas cette lente et subreptice appropriation du « lieu saint » qui est en train de se produire, mais la reconnaissance d’un « patrimoine partagé ». C’était notre projet (14). Or parallèlement à une appropriation religieuse en cours se déroule un autre processus enclenché bien plus tôt.

3.Mise en tourisme et nationalisation

La nationalisation de la Ghriba a donc précédé l’appropriation religieuse. D’une part, puisque la valeur patrimoniale du bâtiment est reconnue dès 1922 par un classement Monument historique(15), d’autre part, plus récemment, en raison du statut même affecté à l’édifice par les autorités civiles. L’autonomie de la Ghriba, reconnue autrefois par l’existence d’une association propre dès 1925, au moment où d’ailleurs sa notoriété internationale commence, a été préservée, puisque l’association n’a pas été dissoute en 1958 ; cependant elle est devenue de plus en plus dépendante du ministère. La fonction religieuse première de l’édifice tend à disparaître au profit d’une fonction politique et touristique : aujourd’hui, le vrai fidèle, juif djerbien, ne peut entrer en dehors des heures décidées par les autorités, plus liées aux visites touristiques qu’aux heures de prière… Un autre fait intervient dans la nationalisation : régulièrement, lors de nos travaux sur les synagogues on nous a expliqué qu’elles étaient biens de l’État, inaliénables, qualifiées souvent de « patrimoine national »… Là se joue une confusion connue sur les deux sens du mot « patrimoine », le premier, initialement le plus courant, signifie les possessions d’une famille, d’une entreprise, etc., le second, plus récent mais très internationalisé, exprime les valeurs culturelles, historiques ou artistiques d’un bien pour un groupe social, une population qui y projettent une dimension identitaire. Les communautés ayant souvent disparu – mais ce n’est pas le cas à Djerba –, les édifices en déshérence ont pu être considérés comme « biens nationaux » et recevoir de nouvelles affectations. Mais la situation est assez ambigüe comme le précise Rania Chebbi(16). À Houmt-Souk, il y a quelques années, une synagogue a été rétrocédée après la vente globale d’une parcelle, jugée illégale en raison du statut de l’édifice.

Devenu un site majeur du tourisme djerbien, la Ghriba tend donc à perdre sa fonction religieuse ; les synagogues de Hara Kebira, en revanche, sont préservées dans leur valeur initiale et ne sont pas des lieux touristiques. Il convient de s’en réjouir ; de même que les mosquées, hormis quelques-unes consacrées comme musée ou monument, ne sont pas ouvertes, il convient de respecter leur dimension religieuse et privée.

La Ghriba a reçu très tôt le statut de lieu emblématique, les présidents de la République française en tournée y sont accueillis. Après l’Indépendance, les autorités civiles y sont assez peu venues, mais depuis quelques décennies de nombreux ministres sont venus « inaugurer » le pèlerinage, à la fois dans un souci de démonstration d’ouverture vis-à-vis des citoyens tunisiens juifs, mais aussi dans une perspective politique au plan international, la Ghriba devenant un symbole de pluralité et de tolérance.

Mais il a aussi acquis une valeur inattendue, sa réussite paraissant aux autorités un signe de bon augure pour l’ouverture de la saison touristique. Les terroristes qui commirent l’attentat du 11 avril 2002 à la Ghriba ne s’y étaient pas trompés, la cible n’étaient pas seulement un lieu juif, mais un lieu de tourisme, activité économique primordiale pour la Tunisie. Cela a précipité le processus de nationalisation : les autorités ont tenu à ce que le pèlerinage continue à se faire, décision courageuse et essentielle en soi, mais sous une haute surveillance qui tourna à l’appropriation. L’île quasiment bouclée, les barrages, le quadrillage de la police et de l’armée sont devenus le cadre familier d’exercice de ce pèlerinage où des milliers de drapeaux tunisiens sont suspendus (fig. 08) et où les plus hauts personnages de l’Etat se rendent. Tout cela honore évidemment le pèlerinage et la communauté de croyants qui est censée le fréquenter, mais la dimension politique et économique de l’évènement semble primer désormais, car évidemment les ministres ne viennent pas pour déposer des œufs dans la grotte de la Ghriba… Quant aux fidèles, cela leur permet d’affirmer leur tunisianité. Tout cela recèle indéniablement une dimension positive, puisqu’un pays appartenant à une ère dite arabo-musulmane a à cœur d’organiser un pèlerinage juif. Néanmoins des analyses sur ces deux jours à dimension folklorique et la présence massive d’officiels et de journalistes montrent d’autres enjeux autour de l’exaltation du « vivre-ensemble ».

Une chercheuse, Naomi Stone, présente en 2006, a noté : « There was also a string of reporters from abroad who had come to write on the festivities. They had heard that an American student had been living in the community, and were eager to get my perspective. They commented effusively on the example of Jewish-Muslim coexistence Djerba provided in a time such as now. I agreed, though noted that it was “not quite as good as it looked,” and perhaps they should spend a bit more time in the Hara to get a more rounded perspective on Jewish-Muslim relations. Most only stayed for the duration of the pilgrimage and then proceeded to write articles perhaps romanticizing the relationship between the two groups. The joyously inclusive atmosphere of the Ghriba obscured some of the harder realities of day-to-day coexistence.(17)» Il semble parfois que des anthropologues agissent comme ces journalistes.

Si le pèlerinage reçoit de plus en plus de musulmanes désireuses de pratiquer le rituel, des hommes qui auparavant ne venaient que pour les moments officiels de discours, prennent place dans la synagogue. Lors d’un des derniers pèlerinages, nous avons pu voir installés durant des heures des notables de Hara Sghira semblant quasiment accueillir fidèles et touristes… aux places mêmes qu’occupaient auparavant les responsables du comité. Gens sympathiques, ouverts, mais ayant oublié que le « vivre-ensemble » est respect et non substitution.

L’analyse de Lucette Valensi et Abraham Udovitch dénonce une autre dérive : « À première lecture, le pèlerinage est une forme de tourisme, une simple opération commerciale lucrative pour l’agence de voyages qui l’organise (…) »(18) (p. 132-133) Ils estiment même que pour les pèlerins, ou vacanciers, « l’activité spirituelle » est quasiment nulle dans ce pèlerinage où « tout s’achète », bénédictions ou prières… De fait, la dimension touristique et commerciale semble primer largement, favorisée par une forme de mainmise des autorités soucieuses de gérer à la fois l’aspect symbolique fort de cet « événement » et ses retombées économiques. Sa dénaturation en festival est perceptible dans les opérations médiatiques qui l’accompagnent, voire dans des projets de muséification.

Un des plus intéressants est un séminaire de 2015, « volet scientifique de la fête » ayant pour ambition une contribution à la patrimonialisation de la Ghriba. Un Laboratoire de l’Université de La Manouba se consacrant au patrimoine et aux minorités a réuni des spécialistes pour sensibiliser l’opinion au patrimoine juif tunisien. En conclusion, le directeur du Laboratoire, Abdelhamid Larguèche, « s’interrogeant sur les transformations que subit le culte de la Ghriba », y voit une « sécularisation induite par la mondialisation du culte »(19) et un passage du « culte religieux dans sa forme première au culte moderne du monument avec toutes ces nouvelles valeurs qui s’ajoutent aux anciennes sans se nier mutuellement »20).  On pourrait discuter l’usage fait ici des notions d’Aloïs Riegl pour justifier une mutation radicale(21), mais le plus important est de saisir la mutation qui s’opère : en s’appuyant sur la valeur patrimoniale de l’édifice lui-même, car il n’est nulle question visiblement de la valeur du patrimoine immatériel intrinsèque à la communauté juive djerbienne et à ses rituels spécifiques, la Ghriba (synagogue et pèlerinage), déjà nationalisée, est patrimonialisée au titre de sa nouvelle fonction représentative. Un « Centre de la Ghriba pour les Arts et la Culture », installé dans l’oukala, semble-t-il, viendrait compléter le dispositif et favoriser l’introduction de la Ghriba dans le projet de candidature au Patrimoine mondial.

Au même moment, Hara Sghira était le cadre d’une autre opération où l’art peut aussi contribuer à dénaturer un lieu, ou du moins consacrer sa dénaturation : le street art, même s’il s’institutionnalise, aime les immeubles abandonnés, les terrains vagues. Le village juif, dont dépend la Ghriba, longtemps habité par des familles de cohanim (descendants des prêtres), est devenu en 2015 un « musée à ciel ouvert » à l’occasion d’une opération artistique intitulée Djerbahood.(22) La Galerie parisienne Itinerrance a choisi le « centre ancien de Erriadh »(23), l’ex-Hara Sghira quasiment vidée de ses habitants juifs, comme terrain « pour y inscrire une action artistique ». Tout en prétendant mettre « en lumière la présence d’un patrimoine architectural particulièrement riche », le projet repose néanmoins sur une forme de négation de l’histoire du lieu, justifiée par l’histoire…  Erriadh est présenté comme « un village où le temps s’est arrêté aux années 1960, dont les trois quarts des habitants ont alors émigrés vers l’Europe ou Israël… un village qui a aussi gardé une âme grâce à sa longue histoire.(24) » : les street artistes donnant libre cours à leur imagination, sans évoquer les anciens habitants (fig. 09). Les motifs préférés, en dehors de ceux qui très personnels pourraient se retrouver aussi bien dans le 13e arrondissement de Paris, puisent dans un orientalisme renouvelé par les idéologies actuelles. Ce n’est pas le lieu de discuter si le street art met en valeur le patrimoine, mais la démarche traduit indéniablement la force d’attraction du lieu ; chacun peut apprécier ou non le résultat, certains se réjouissant que ce soit éphémère… pourtant ce « musée idéal » que rêve le promoteur de l’opération semble participer de la transformation de Hara Sghira en village-vacances, en espace d’art à la Sidi-bou-Saïd. Des menzels abandonnés ont été aussi le support des œuvres. Il ne s’agit en rien d’une « profanation » d’un lieu saint, concept inapplicable dans le judaïsme en dehors du Mont du Temple à Jérusalem, mais d’une contribution à l’oubli, non à la mémoire.

En 2019, la Ghriba a encore fait l’objet de deux mises en valeur : un film et un timbre qui a été émis et vendu lors du pèlerinage par de jolies postières en uniforme. Cette initiative sympathique atteste que la Ghriba est devenue un atout national, car c’est la première fois qu’un monument historique juif tunisien connaît cet honneur d’un timbre officiel (fig. 10). La Ghriba et son pèlerinage sont aussi apparus dans un film diffusé par Arte, Synagogues. Absence et présence(25), au sein d’une série de documentaires, Monuments sacrés, sur les lieux de culte dans le monde (fig. 11). Le film sur les synagogues a ainsi placé les synagogues de Djerba au même rang que celles de Venise, Amsterdam, Budapest ou Elkins Park dessinée par Frank Lloyd Wright… La reconnaissance est significative pour le judaïsme nord-africain, souvent oublié dans ce genre de panorama, et pour la Tunisie. Cependant, il convient de noter que dans ce film, à côté de la Ghriba, dont la notoriété est « incontournable », apparaissent deux autres synagogues de Hara Kebira, la Grande synagogue et la Synagogue Eliezer, afin de montrer la variété et la richesse des édifices djerbiens. La Grande est en effet la plus exceptionnelle par son histoire et sa qualité architecturale ; elle atteste un état ancien des synagogues djerbiennes que la Ghriba a perdu au cours du XXe siècle à la suite d’importants remaniements et de fréquentes restaurations. Trop souvent la Ghriba est l’arbre qui cache quelque peu la forêt et sa mise en avant fausse le regard sur le patrimoine juif djerbien global.

4.Une focalisation regrettable sur la seule Ghriba : des guides au projet Unesco

Pour attester de la pluralité djerbienne, les guides montrent toujours une photo de la Ghriba, sans évoquer les autres richesses du patrimoine juif. Ce n’est pas simple méconnaissance, mais ignorance délibérée. Ainsi, un petit ouvrage de vulgarisation rédigé par un géographe(26) illustre parfaitement le processus d’exclusion symbolique des Juifs de l’espace djerbien, hormis la photo de la Ghriba pour les touristes susceptibles de s’y intéresser. Alors que l’approche est fouillée pour le mode d’habitat, la dimension « écologique » des procédés de culture ou de construction, l’organisation du réseau des mosquées ou encore la poterie, rien sur les Juifs de l’île ; comme s’ils n’avaient pas de rôle dans le système global… pas plus que la colonisation d’ailleurs, l’autre aspect manquant à cette petite synthèse pourtant de qualité. Ne serait Djerbien que celui qui, musulman, habite un houch (ou en a la nostalgie) et continue à faire de la poterie ou à pêcher… La photo de la Ghriba est censée répondre aux quelques lignes évoquant sa construction il y a 2600 ans… Le moindre guide de l’île, par exemple celui qui est paru chez Nodis (Courtin 2008) reprend exactement ce schéma exclusif, avec « la » photo. Certes tous les guides se recopient les uns les autres, mais il est curieux de voir que la candidature au Patrimoine mondial repose plus ou moins sur les mêmes arguments et les mêmes exclusions, en n’accordant de place qu’à la Ghriba.

La Ghriba fait partie des biens en série proposés à la candidature Unesco sous le titre désormais, Djerba, témoignage d’une île-jardin au système urbain éclaté, et refuge de minorités(27). Huit secteurs de l’île sont réunis pour porter cette inscription : Temlel, Khazroun, Sedghien, Guechaine, Megmag, le centre ancien d’Erriadh, le centre ancien de Houmt-Souk, Sidi Salem/Borj Jelil. Le secteur Erriadh couvre 11 hectares, mais nous ignorons aujourd’hui quelle zone exacte. L’Assidje précise le caractère principal mis en avant dans la candidature : « Il s’agit d’un bien en série, constitué d’établissements humains et de paysages culturels (menzels, houchs, mosquées, etc…) témoignant d’un mode exceptionnel d’occupation du sol, que justifient d’ailleurs son insularité, ses identités plurielles, le besoin de subsistance et d’adaptation au milieu et l’impératif de défense.(28) » (fig. 12) Quant aux minorités évoquées dans le titre, la présentation est plus confuse, car elles sont les suivantes : « berbères, Arabes, musulmans, juifs, chrétiens, catholiques et orthodoxes, ibadhites, Grecs, Maltais, Français »(29). Cela traduit une étrange conception de la minorité et surtout montre une confusion entre des populations aux statuts bien différents, certaines n’étant pas « réfugiées ». Ibadites et juifs, groupes les plus intéressants au plan culturel et religieux(30), qui donnent à l’île une large part de son originalité, mériteraient d’être traités autrement que les Français ou les Grecs…

Un troisième point soulève question : l’occupation du sol. C’est bien une particularité de l’organisation du territoire de Djerba, mais il ne comporte pas seulement cet habitat dispersé, houch et menzel, et ce réseau fabuleux de mosquées simples et d’une intégration inimitable, il est marqué par l’existence séculaire de deux villages compacts, entièrement juifs jusqu’à la colonisation française, au sein desquels jusqu’aux années 1930 furent construites une vingtaine de synagogues. On y inventa même un type constructif qui révèle, comme les mosquées ibadites, une intelligence architecturale capable de faire servir les matériaux et les techniques les plus simples à une fonction hautement symbolique.

Les juifs djerbiens ont porté à perfection la synagogue à plan carré surmontée d’un lanterneau carré (un dôme eût certainement été impossible dans un contexte musulman qui la réserve non pas tant aux mosquées qu’aux zaouias et marabouts. Ces synagogues sont aussi détentrices de réservoirs, comme les mosquées… À l’intérieur, elles offrent, selon leur statut, un nombre d’arches saintes qui montent jusqu’à sept dans la Grande synagogue, conservée au cœur de Hara Kebira, la plus belle et dont certaines structures actuelles sont au moins du XVIIe siècle (fig. 13). Sans doute initialement la Ghriba eut-elle sept arches saintes(31). La subtilité symbolique et fonctionnelle de ces espaces de culte est le contraste entre l’ombre des arcades, au fond desquelles sont disposées les arches saintes contenant les rouleaux de la Tora, et la pleine lumière tombant du ciel sur la teba, pupitre où se fait la lecture placé au centre du lanterneau et recevant la lumière de douze fenêtres, nombre rapporté aux douze tribus. Avant qu’on ne puisse disposer des matériaux nécessaires pour assurer de si grandes portées (introduits par les colons français), c’est une cour, comme encore aujourd’hui à la Grande synagogue, qui occupait le centre de l’espace. Il existe aussi des oratoires de rabbins kabbalistes disposés en hauteur… Donc une richesse de synagogues qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde musulman d’aujourd’hui, et cela non pas dans un ghetto ou un mellah, mais dans un village structuré selon la tradition juive, doté des services nécessaires, du mikvé (bain rituel) au cimetière. Enfin, ces villages n’avaient-ils aucune fonction dans l’économie de l’île ? Cet argument est présenté ainsi : « Une économie mixte, à l’origine de sa prospérité, fondée sur la complémentarité des ressources agraires, maritimes, artisanales et commerciales, a amené le Djerbien à travailler le jardin de son « menzel » une partie de l’année, s’installer ensuite dans son atelier de tissage ou de poterie durant la morte saison agricole et même posséder une pêcherie fixe ou une barque pour la pêche. » Le Juif n’étant ni agriculteur, ni pêcheur, ni potier, ni tisserand… on en arrive à se demander ce qu’il fait là ?

Donc seule la Ghriba, une fois de plus, est prise en considération. Serait-ce parce qu’elle est le seul élément de patrimoine juif assimilable, parce que déjà perverti par le tourisme et la politique, voire assimilé comme « judéo-musulman » ? Le village à côté, le village des cohanim, ces descendants des prêtes du Temple de Jérusalem, le meilleur témoin de certains de ces lieux juifs extraordinaires nés dans des zones reculées comme le Djebel Nefoussa en Lybie et à Djerba, en contexte ibadite en particulier, ne serait donc pas un patrimoine méritant de figurer dans les valeurs universelles exceptionnelles de l’île ? Pas plus que certaines synagogues exceptionnelles de Hara Kebira ? Il est vrai que les synagogues de Hara Sghira sont largement abandonnées et certaines de Hara Kebira bien modernisées… Cependant n’est-il pas paradoxal de ne pas tirer parti de certains de ces édifices uniques au monde ?

Une exclusion par ignorance ou une ignorance voulue?

Il est clair que la culture et le patrimoine juif de Djerba sont absents de nombreuses études ou ouvrages, dès les origines. Doit-on rappeler les propos des savants ou pseudo-savants français, de Servonnet et Lafitte sur « l’inévitable Juif usurier, brocanteur ou orfèvre »(32) alors qu’un antisémite notoire les épargne et y voit des personnages bibliques(33), ou que l’étude de Stablo les ignore complètement au prétexte qu’il étudie une « communauté arabo-berbère » ? Chez les chercheurs tunisiens contemporains, ce n’est pas tant le fait de préjugés – ils existent indéniablement chez certains comme partout  – qu’ignorance. Ne peut-on s’étonner que jamais on n’ait cherché à la pallier ? Parmi les bonnes intentions de sauvegarde du séminaire de 1975(34), pas un mot sur les Juifs en dehors du signalement de leur présence séculaire dans des approches sur la diversité des populations, rien sur l’architecture des deux villages et des synagogues ; quand on envisage des inventaires, ces dernières ne sont pas prises en compte.

On se prend à rêver : et si la dynamique de 1975 avait abouti ? Certes une inscription au Patrimoine mondial n’a jamais sauvé une île entière, mais la conscience patrimoniale des Djerbiens n’eût-elle pas été plus vive au long de ces années de développement du tourisme de masse ? Les politiques avaient alors d’autres ambitions. Mais, quarante ans après, tous les chercheurs qui évoquent l’architecture de l’île écartent les deux villages, puisqu’ils mettent en question la cohérence de cet « habitat dispersé » (comme le noyau d’Houmt Souk et ses mosquées d’autres rites…). Les plus honnêtes (par exemple Ali Djerbi(35) s’efforcent d’intégrer cette exception, voire de l’expliquer en fonction du système de possession du sol et de la complémentarité des fonctions de chaque communauté. Mais la plupart semblent finalement gênés dans leur analyse par le cas des juifs et la présence d’un patrimoine à qui l’on dénie une place dans l’ensemble.

La patrimonialisation de la Ghriba, esquissée dès 1922, est donc aujourd’hui non pas tant compromise, puisqu’elle est intégrée à la candidature Djerba, témoignage d’une île-jardin au système urbain éclaté, et refuge de minorités, que dévoyée. Le sort de Hara Sghira est désormais scellé  comme le montrent la disparition quasi complète de la communauté juive qui a négligé de sauvegarder ses lieux emblématiques (plusieurs yechivot sont en train de s’écrouler) au profit de la vitrine qu’est la Ghriba, la vente des maisons en vue de leur transformation en maisons d’hôtes, les restaurations privées intempestives (à quelques exceptions près) qui visent à en faire un Sidi-Bou du Sud (fig. 14) dans ce village austère, le fait de la considérer comme une zone quasi vierge ou abandonnée pour en faire un terrain de jeux pour graffeurs internationaux, etc.

Le pèlerinage peut-il néanmoins être sauvegardé par le processus Unesco ? On peut en douter à partir du moment où, comme nous l’avons montré, des appropriations ont eu lieu et que ses responsables semblent assez indifférents au patrimoine authentique et à sa préservation (fig. 15). On confond patrimoine matériel et patrimoine intangible, on discerne mal le paysage culturel concerné, car l’ancrage matériel de la « valeur universelle exceptionnelle » reste primordial pour l’Unesco, alors que le sens d’un patrimoine ne saurait être seulement dans les pierres, mêmes authentiques et intègres. La notion de « lieu saint » partagé, même largement faussée par les visées des anthropologues, aurait pu servir à introduire la question de la pluralité identitaire ; or ce qui sera patrimonialisé à l’instant T de l’inscription, ne correspondra pas  à une réalité historique profonde, mais à un lieu marqué par la politique, le tourisme, voire des appropriations indues. De plus, le classement et ses critères de sauvegarde tendent à figer des pratiques en perpétuelle évolution. Quant au mode d’occupation du sol original : pourquoi n pas mettre en regard les deux situations : aux musulmans l’habitat dispersé sur toute l’île, aux juifs deux villages assez peu éloignés du souk et de ses ateliers ? Enfin la thématique religieuse eût permis de montrer la symbiose de certaines pratiques dans le respect spécificités, et non dans la confusion. Souhaitons que Djerba soit inscrite au Patrimoine de l’Humanité lors d’une prochaine session de l’Unesco ; mais il faudra alors revoir en profondeur la manière d’aborder les « minorités » et parmi celle-ci, les juifs. La patrimonialisation de la Ghriba, par-delà ses ambiguïtés, ne doit pas empêcher celle des autres éléments créés par cette communauté et dont la valeur est tout autant « universelle ».

Fig. 1. Vue de la synagogue de la Ghriba. Source: Photo de l’auteur, mai 2007.

Fig. 2. La grotte où sont déposés œufs et bougies. Source : Photo de l’auteur, mai 2007.

Fig. 3. Procession de la menara.  Source: Photo de l’auteur, mai 2007.

Fig. 4. Les femmes à l’assaut de la grotte. Source: Photo de l’auteur, mai 2010.

Fig. 5. Vue dans l’exposition Coexistences… de la photo Juive et musulmane priant pieds nus dans la synagogue de la Ghriba. Source: Photo de l’auteur, décembre 2017.

Fig. 6. Vue intérieure de la grande salle de la Ghriba où l’on se déchausse avant d’entrer dans la partie où sont les arches saintes et la grotte. Source: Photo de l’auteur, mai 2008.

Fig. 7. La menara arrive devant la synagogue Rebbi Abraham à Hara Sghira. Source: Photo de l’auteur, mai 2007.

Fig. 8. L’oukala pavoisée pour la fête. Source: Photo de l’auteur, mai 2017.

Fig. 9. Ecole abandonnée décorée d’une peinture de l’artiste Stinkfish, extraite de sa série sur des figures indiennes. Source: Photo de l’auteur, mai 2017.

Fig. 10. Timbres émis par la Poste tunisienne, 2019.

Fig. 11. Photo de tournage du film Synagogues. Présence et absence pour Zed Production/Arte. Source: Photo de l’auteur, mai 2017.

Fig. 12. Assidje, Djerba aux portes du patrimoine mondial de l’Humanité, plaquette de présentation, 2016. Sur ce document, la Ghriba et l’église Saint-Joseph figurent, dans d’autres elles sont absentes.

Fig. 13. Vue intérieure de la Grande synagogue de Hara Kebira. Source: Photo de l’auteur, mai 2017.

Fig. 14. Entrée actuelle du village de Hara Sghira (Erriadh). Source: Photo de l’auteur, janvier 2017.

Fig. 15. Portes des arches saintes lors du pèlerinage. Source: Photo de l’auteur, mai 2018. Des fidèles, comme au mur de Jérusalem, ont pris l’habitude de glisser des papiers contenant leurs vœux dans les boiseries des arches saintes, brisées en plusieurs endroits. La nouvelle mode est désormais de glisser des cartes postales de la Ghriba vendues par l’association.

Bibliographie

ASSIDJE, 2018, Djerba aux portes du patrimoine mondial de l’humanité, livret, Assidje, s.d.
Ben Cheikh Mehdi, 2015, Djerbahood. Le musée de street art à ciel ouvert, Paris, Galerie Itinerrance- Albin Michel.
Ben Ouezdou Hédi, 2007, Djerba. Perle de la Méditerranée, Tunis, à compte d’auteur.
Bielawski (Mathilde), 2018, « Territoire et patrimonialisation en Tunisie, enjeux de pouvoir? », La Lettre de l’IRMC, n° 22, avril-octobre 2018, p. 8-11. [projet de thèse]
Bielawski Mathilde, « Deux représentations contradictoires d’un mode de vie insulaire. Patrimoine ou habitat sur l’île de Djerba en Tunisie ? », Belgeo [En ligne], 2 | 2018 : http://journals.openedition.org/belgeo/23941
Bismuth-Jarrassé Colette et Jarrassé Dominique, 2010, Synagogues de Tunisie. Monuments d’une histoire et d’une identité, Le Kremlin-Bicêtre, Éditions Esthétiques du Divers.
Chebbi Rania, Protection des lieux de culte non musulmans. Études, Tunis, Perspectives Éditions, 2019.
Coexistences. Lieux saints partagés en Europe et en Méditerranée, catalogue de l’exposition, Musée national de l’histoire de l’immigration, 26 octobre 2017-21 janvier 2018, sous la direction de Dionigi Albera et Manoël Pénicaud, Paris, Musée national de l’histoire de l’immigration/Actes Sud, 2017.
Courtin Caroline, 2005, Djerba, l’île des Lotophages. Un regard de l’intérieur, itinéraires-découverte, s.l., Nodis.
Djerbi Ali, 2011, L’architecture vernaculaire de Djerba. Pour une approche sémio-anthropologique, Tunis, R.M.R. éditions.
Jarrassé Dominique, « Douze fenêtres de synagogue. Usages de la lumière, du Sud tunisien à Jérusalem », La Lumière dans les religions du Livre : une approche pluridisciplinaire, colloque de l’Institut français du Proche-Orient, Beyrouth et Université de Balamand, Chronos, n° 32, 2015, p. 35-46.
Jarrassé Dominique, 2004, « La Ghriba et les synagogues de Djerba. Une culture et une architecture originales », Djerba, architecture, paysage et société, colloque organisé par Rencontres Orient-Occident et l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis, Sidi-Bou-Saïd (Tunisie), 15-16 octobre 2004. Non publié.
Lieux saints partagés, catalogue de l’exposition, Mucem, 29 avril-31 août 2015, sous la direction de Dionigi Albera, Manoël Pénicaud et Isabelle Marquette, Marseille, Mucem/Paris, Actes Sud, 2015
Mbarek Afef, 2018, « Entre classement et patrimonialisation : les usages du patrimoine judéo-tunisien », L’Année du Maghreb, n° 18 : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/ 3970
Mahdhaoui Tarak, 2015, « En marge de la Ghriba : le vivre-ensemble et la sauvegarde de la mémoire plurielle de Djerba », Attariq aljadid, 16-22 mai, p. 3 et 8.
Mauclair Camille, 1936, Les Douces beautés de Djerba, Paris, Grasset.
Merimi Mohamed, 2012, Juifs de Djerba et stratégies identitaires, Tunis, s. éd., 2012.
Pinkerfeld Jacob, 1957, « Un témoignage du passé en voie de disparition, les synagogues de la région de Djerba », Cahiers de Byrsa, vol. 7, p. 127-137 et 14 pl.
Perez Jacques, 1999, Les Juifs de Djerba, textes de Lucette Valensi et Abram L. Udovitch, Tunis, Simpact éditions.
Pour la sauvegarde de l’architecture et de l’environnement de Djerba, séminaire 23-26 janvier 1975. Communications et recommandations, préface du Dr Salah-Eddine Tlatli, s.l., Association de sauvegarde de Djerba, [1978].
Servonnet Jean et Lafitte Fernand, 1888,  En Tunisie. Le Golfe de Gabès, repris dans Jerba. Une île méditerranéenne dans l’Histoire, Recueil de notes, articles et rapports anciens, Tunis, Institut national d’archéologie et d’histoire, 1982.
Stablo René, 1941, Les Djerbiens. Une communauté arabo-berbère dans une île de l’Afrique française, Tunis, S.A.P.I.
Stone Naomi, 2006, Bilad Al Haqaniya ? : Otherness and Homeland in the Case of Djerban, Tunisian Jews, Thesis, Oxford University, 2006.
Tmarzizet Kamel et Perez Jacques, 1993, Djerba Synagogue El Ghriba, Tunis, Editions Carthacom.
Valensi Lucette et Udovitch Abraham L., 1984, Juifs en terre d’Islam : les communautés de Djerba, Paris-Montreux, Editions des Archives contemporaines.

Notes

(1) Pour la partie sur les synagogues, publiées dans Bismuth-Jarrassé/Jarrassé, 2010.
(2) Ibid., p. 310-311.
(3) Toutefois les autorités religieuses les ont toujours vus d’un mauvais œil pour diverses raisons. Le rabbinat de Tunis fait publier dans L’Egalité. Journal politique israélite (20 février 1931, p. 3), sous le titre « Les pèlerinages », la note suivante : « « Le Grand Rabbin de Tunisie rappelle que l’on doit s’adresser directement à l’Éternel et que le pèlerinage doit être décent pour ne pas dégénérer en orgie paganique… ».
(4) Au sens propre, chandelier ; mais ici c’est un chariot portant une pyramide hexagonale dont les cinq niveaux sont ornés de chandeliers à sept branches, de petites tables de la Loi et d’inscriptions (noms des tribus, de rabbins…) ; au sommet, un volume plus étroit et couronné, ressemblant à un tik, coffre en bois qui renferme les rouleaux de la Tora.
(5) Lieux saints partagés, 2015.
(6) Coexistences. Lieux saints partagés en Europe et en Méditerranée, 2017.
(7) L’exposition a encore été présentée, et c’est remarquable, en Tunisie au musée du Bardo du 19 novembre 2016 au 12 février 2017, puis à Dar El Bacha-musée des Confluences à Marrakech, du 18 décembre 2017 au 21 mai 2018.
(8) Claude Lévi-Strauss, « Le temps du mythe », Annales ESC, 26e année, n° 3-4, mai-août 1971, p. 537.
(9) Le chapitre 7 de notre livre (Bismuth-Jarrassé/Jarrassé, 2010, p. 121-165) s’intitule « Djerba, l’illusion de l’intemporel », formule mal comprise par des personnes qui ont pensé que nous ne voyions que mythes illusoires, alors que nous voulions prioritairement introduire une dimension historique, et donc critique sur les innombrables récits d’esprit « orientaliste » (au sens d’Edward Said) les rejetant dans un temps mythique, un temps immuable, les « temps bibliques », patriarches et palmiers, s’étant conservé dans cette île intouchée… Cette illusion était bien celle des anthropologues et historiens, voire journalistes ; elle semble toujours vivante.
(10) Coexistences, 2017, p. 48.
(11) Ibidem. Allusion à l’âge d’or andalou, mythe élaboré au XIXe siècle pour caractériser les riches échanges intellectuels entre les fidèles des trois monothéismes… où les fondements historiques avérés de discrimination, voire de persécution, sont enveloppés d’une idéalisation des rapports sociaux.
(12) La Ghriba à Djerba, film de Manoël Pénicaud (2015) : www.youtube.com/watch?v=CR4RP8Mw7VE
(13) Valensi et Udovitch, 1984, p. 132.
(14) Dès 2010, nous avons employé ce mot en conclusion de notre ouvrage (Bismuth-Jarrassé/Jarrassé, 2010, p. 309) lorsque nous rêvions un itinéraire du patrimoine juif dans la Tunisie actuelle. Nos derniers mots étaient (p. 311) : « Notre livre a tenté d’en livrer la double dimension esthétique et humaine et de transmettre les clés d’appropriation, pour les uns et les autres, de cet héritage. Quelle que soit l’évolution de la situation sur le terrain, il est à sa manière un monument, voire un mémorial établi à travers les générations : une double mémoire, parfois seulement en gestation, parfois à l’état de traces, est à l’œuvre, que nous souhaitons apaisée et partagée ».
(15) Comme le rappelle Mbarek, 2018. Elle évoque par ailleurs la « culturalisation » du pèlerinage en insistant sur le folklore et la dimension festive qui l’auraient facilitée. Avec nuance, elle écrit : « Les Tunisiens non juifs, autres « bénéficiaires » de ce patrimoine, participent au pèlerinage comme spectateurs, et prennent part quelques fois à certains rituels.
(16) Chebbi, 2019. Intéressant sur la tunisification, la création de « commissions provisoires » qui le sont restées… (loi du 11 juillet 1958), et l’absence d’obligation pour l’État d’assurer la sauvegarde de celle qui ont une valeur patrimoniale, mais manquant de cas concrets.
(17) Stone Naomi, 2006, p. 94.
(18) Valensi et Udovitch, 1984, p. 132-133.
(19) Cette expression semble indiquer que la Ghriba n’est plus seulement un « sanctuaire » partagé avec les musulmans, mais un lieu mondialisé… en écho avec l’idée que la consécration comme Patrimoine mondial fait du site un bien universel ouvert au tourisme culturel.
(20) Mahdhaoui, 2015, p. 8.
(21) La référence à Riegl (Le Culte moderne des monuments (1903), trad. franç. 1984) ne saurait justifier l’abandon des valeurs premières niées par la muséification et la marchandisation inéluctables.
(22) Documentation très complète dans Ben Cheikh, 2015. Les citations en sont extraites.
(23) C’est l’appellation retenue par le projet Unesco, significative du gommage de l’identité juive initiale initiée par l’administration tunisienne s’est empressée de faire disparaître ces noms séculaires au profit de Essouani pour Hara Kebira, et Erriadh. Notons que hara signifie justement en arabe dialectal un groupement d’habitations, avec ici la connotation de quartier juif. Est-ce pour que les actuels habitants musulmans de ces quartiers ne se sentent pas « discriminés » par ces appellations ? La trace toponymique est cruciale dans la transmission de la mémoire : ainsi la candidature Unesco en intégrant dans sa série « le centre ancien de la ville d’Erriadh », use d’une dénomination administrativement juste, mais historiquement fallacieuse. Une patrimonialisation qui repose sur une telle manipulation du nom ne s’engage pas sainement.
(24) Ben Cheikh, 2015, p. 7.
(25) La réalisatrice, Celia Lowenstein, ayant pris conseil auprès de moi, j’ai pu la persuader d’introduire dans sa sélection d’une huitaine de synagogues dans le monde, celles de Djerba, afin de faire découvrir des lieux méconnus, alors que Venise ou Amsterdam, non sans raison certes, sont parmi les plus célèbres au monde. Le tournage a eu lieu en mai 2018, sa diffusion en janvier 2019. Un extrait a été projeté en présence du Premier ministre, M. Youssef Chahed, venu au pèlerinage, en mai 2019. Un second film, réalisé à partir du tournage initial, mais centré sur la Ghriba, Des monuments et des hommes – La Synagogue de la Ghriba – Tunisie, a également été diffusé par Arte.
(26) Ben Ouezdou, 2007.
(27) Nous disposons d’une information lacunaire, quelques échanges avec des responsables de l’Assidje (Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba, fondée dès 1976 ; c’est dire l’ancienneté de la prise de conscience), des plaquettes, la presse et sur Internet des sites dédiés dont celui de l’Unesco. En 2012, l’inscription sur la liste indicative tunisienne concernait l’île entière ; aujourd’hui c’est un bien en série qui est proposé avec pour thématique principale l’occupation des sols et les mosquées.
(28) Assidje, Djerba aux portes…, p. 15.
(29) Ibidem.
(30) Même si l’on peut en contester la thèse tendant prouver que les juifs sont arrivés tardivement, le livre de Mohamed Merimi, 2012, montre les échanges très profonds entre ces deux « minorités ».
(31) Hypothèse défendue par Pinkerfeld, 1957, p. 127-137.
(32) Servonnet-Lafitte, 1888, p. 95.
(33) Mauclair 1936, p. 246.
(34) De la sauvegarde… 1978, p. 237-240.
(35) Djerbi, 2011, p. 98-99.

Pour citer cet article

Dominique Jarrassé,« Lieu saint partagé » ou approprié ? La patrimonialisation de la Ghriba de Djerba et de son pèlerinage, Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’architecture maghrébines [En ligne], n°8, année 2019.
URL: http://www.al-sabil.tn/?p=6121

Auteur

* Professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université Bordeaux Montaigne.

/** * The template for displaying the footer. * * Contains the closing of the #content div and all content after. * * @link https://developer.wordpress.org/themes/basics/template-files/#template-partials * * @package Shapely */ ?>