La vacherie du Parc de la Tête d’or, 1904. La première construction de l’architecte Tony Garnier

08 | 2019 

La vacherie du Parc de la Tête d’or, 1904
La première construction de l’architecte Tony Garnier(1).

Sana Smadah(*), Clémentine Enrenaz (**)

Résumé | Entrée-d’index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumé

La vacherie du parc de la Tête d’Or est la toute première construction de l’architecte lyonnais Tony Garnier, un des pionniers de l’architecture moderne. Cette construction affirme son rapport avec la nature, sa simplicité et son emploi rationnel des matériaux locaux. Son concepteur la décrivait comme une « …construction conçue avec le plus de simplicité possible », et qui « …répond aux prescriptions d’hygiène et aux besoins de solidité et de durée ». Le bâtiment est situé dans le parc de la Tête d’Or au bord du Rhône, un parc d’exception créé par Denis Bühler, qui avait construit une vacherie provisoire.

Il est indispensable de recueillir l’histoire sociale, celle des relations du monument avec la population car cette histoire est reliée à l’histoire du bâtiment et à son évolution au fil du temps. C’est pour cette raison, qu’on étudiera l’histoire de l’industrie laitière, son hygiène, les fraudes et les législations qui vont nous emmener vers la réflexion sociale autour du nourrisson au XIXe-XXe siècle. La vacherie municipale conçue par Tony Garnier répondait-elle aux exigences de l’époque de sa création ?

La majeure partie de l’étude est consacrée au projet ; l’avant-projet architectural, le programme, la conception accompagnée d’une analyse du plan et des façades pour finir avec le chantier, les aménagements et l’organisation. La vacherie a connu des métamorphoses dans le temps, alors que ses services sont transférés, le bâtiment connaît une évolution et de ses fonctions, et de ses aménagements.

Abstract

The cowhouse in the park of « la Tête d’Or » in Lyon is the very first construction of the architect Tony Garnier ; one of the pioneers of modern architect. This construction affirms its relationship with nature, its simplicity and its rational use of local materials. Its architect described it as a « …construction designed with the most possible simplicity », and which « …meets hygienic requirements and needs for solidity and duration ». The building is located in « la Tête d’Or » park on the banks of the Rhône river ; an exceptional park created by Denis Bulher, who had built a temporary cow yard.

It is essential to understand the social history, the relation between the monument and its population since this history is linked to the history of the building and its evolution in time. It is the reason why we will study the history of the dairy industry, its hygiene, fraud and legislation which will take us towards social reflection around the infant in the XIX th – XX th century. Did the municipal cow house designed by Tony Garnier meet the requirements of the time of its creation?

Most of this study is devoted to the project; the architectural preliminary draft, the program, the design accompanied by an analysis of the architectural plans and facades to finish with the site, the layouts and the organization. The cowhouse went through several metamorphoses over time, while its service services are transferred, the building is undergoing an evolution of its functions and its arrangements.

الملخص

مزرعة البقر الموجودة في منتزه  » الرأس الذهبي » بمدينة ليون هي أول بناء للمهندس المعماري الفرنسي توني غارنييه أحد رواد الهندسة المعمارية الحديثة. يؤكد هذا البناء علاقته بالطبيعة ويتميز ببساطته واستخدامه الرشيد لمواد البناء المحلية. وصفه مصممه بأنه « … بناء مصمم بأكبر قدر ممكن من البساطة »، و « … يلبي المتطلبات الصحية والاحتياجات للصلابة ولمقاومة الزمن. « ويقع المبنى في منتزه » الرأس الذهبي » على ضفاف نهر الرون، وهو متنزه استثنائي أنشأه دونيس بوهلير، الذي بنى مزرعة بقر مؤقتة فيه.

من الضروري فهم التاريخ الاجتماعي، وعلاقات المبنى مع السكان لأن هذا التاريخ الاجتماعي مرتبط بتاريخ المبنى وتطوره بمرور الوقت. ولهذا السبب سنقوم بدراسة تاريخ صناعة الألبان ونظافتها والاحتيال والتشريع الذي سيأخذنا نحو التفكير الاجتماعي حول الرضيع في القرنين التاسع عشر والعشرين. هل استوفت مزرعة البقر المحلية التي صممها توني غارنييه متطلبات وقت إنشائها؟

تم تخصيص معظم الدراسة للمشروع الهندسي، المسودة المعمارية الأولية والبرنامج المخصص للمبنى والتصميم. هذه الدراسة ستكون مصحوبة بتحليل للخطة المعمارية والواجهات لتنتهي بالموقع والتهيئة والتنظيم
مرت مزرعة البقر بتحولات بمرور الوقت، في حين نقل خدماتها، مما جعل المبنى يمر بتطور شمل وظائفه وترتيباته.

Entrée d’index

Mots-clés :Tony Garnier, hygiène, architecture industrielle-agricole, vacherie, France, XXe siècle.
Keywords: Tony Garnier, hygiene, industrial & agricultural architecture, cowhouse, France, XXth century.

الكلمات المفاتيح: توني غارنيي، النظافة، الهندسة المعمارية الصناعية، مزرعة بقر، القرن العشرون.

Plan

Introduction
1. Tony Garnier : l’architecte urbaniste

2. Contexte géographie : le parc de la tête d’or
3. Contexte socio-historique de la création de la Vacherie municipale
4. La vacherie municipale entre utopie et réalité
5. Le projet de la vacherie municipale de Tony Garnier
6. La vacherie dans le temps
Conclusion

Texte intégral

Introduction

Cette étude est fondée sur l’analyse de la vacherie municipale du parc de la Tête d’Or de Tony Garnier. La vacherie est un projet social qui a pour but de distribuer du lait stérilisé aux crèches municipales de la ville et qui s’inscrit dans l’histoire du développement du courant hygiéniste du début du XXe siècle.  Une première partie permet d’introduire aux lecteurs l’architecte-urbaniste Tony Garnier et ses projets qui sont en effet à l’origine d’avancées considérables dans la réflexion de l’architecture moderne. La deuxième partie retrace l’histoire de la Vacherie de sa construction jusqu’à aujourd’hui grâce à ces archives.

A ce stade, il est nécessaire de comprendre les raisons qui ont motivé la construction de cet édifice, qui s’inscrit dans un projet social soucieux d’hygiénisme, de par sa fonction mais également de par l’organisation interne du bâtiment et le choix des matériaux.

Il a donc fallu fonder notre propos sur une étude socio-historique sur le début du XXe siècle, centré sur l’histoire du lait à Lyon, la condition de l’enfant et la naissance des crèches, afin de comprendre au mieux la construction de la Vacherie et la municipalisation du service de distribution du lait.

 1. Tony Garnier : l’architecte urbaniste

Tony Garnier (1869-1948) a obtenu le Prix de Rome en 1899 et lors de son séjour en Italie a commencé à élaborer un projet de cité industrielle qui a été publié en 1917.  Ce projet de cité de travail et d’habitat ouvrier doit sa création au climat social lyonnais qui a influencé l’architecte dès son jeune âge. Membre de la société des amis d’Emile Zola, il emprunte à l’écrivain l’idéal de « travail et liberté », un mot d’ordre inscrit sur la vignette de chaque numéro de la revue La Construction lyonnaise, qui se distingue par le mouvement socialiste très fort dédié à la tradition révolutionnaire des « canuts » de cette ville.

« Chacun se rend compte que le travail est la loi humaine », preuve sensible que le culte de travail est le centre de toute réflexion de l’architecte. On peut même lire les inscriptions à l’entablement du bâtiment central de la cité industrielle dont des extraits de Travail d’Émile Zola paru en 1901.

Il faut faire une distinction entre le projet initial élaboré entre 1901-1904 avec des rectifications postérieures et le projet qui a été publié en 1917 illustrant mieux les conceptions nées auparavant tout en gardant les principes de base du projet initial.

Fig. 1.  Première étude du plan de site de la cité industrielle », Garnier en 1901, Source : theses.univ-lyon2.

Fig. 2. La cité industrielle, Garnier en 1917, Source : theses.univ-lyon2.

Dans le cas de la cité industrielle, la place principale de la ville imaginée est occupée par une grande usine métallurgique, un choix qui vient mettre en exergue que l’industrie est l’élément le plus important dans la création des villes.

Il est néanmoins intéressant de relever que Garnier a conçu une vacherie au sein de la cité industrielle, pour faire partie d’un ensemble plus complexe, celui d’une exploitation agricole. Cette exploitation comporte trois habitations près desquelles on retrouve un potager et une laiterie. Un bureau se trouvant à l’entrée centrale de l’exploitation est entourée d’une bouverie et d’une vacherie liées par une fosse à fumier ainsi que d’une porcherie et d’une bergerie. La zone de pâturage est limitée laissant voir les espaces bien distingués du complexe. Deux autres bâtiments prennent pareillement le bureau comme un élément de symétrie : la machine agricole et la salaison d’une part et la sellerie, la remise et l’écurie d’une autre part.

Fig. 3. Plan et croquis de l’exploitation agricole de la cité industrielle, Source : Tony Garnier, 1932.

  • Le retour à Lyon : entre réalisation et conception 

Garnier pensait à un stade de sa vie s’installer aux États-Unis mais son attachement à sa vie natale le garde en France. La vacherie du Parc de la Tête d’Or, projet commandé par la ville de Lyon et soutenu par le maire de cette époque Dr. Augagneur, est le premier projet de Tony Garnier après son retour de Rome. Plusieurs projets de l’architecte reposent pratiquement sur des visées hygiénistes. On peut se référer d’ailleurs aux abattoirs de la Mouche et à l’hôpital Grange-Blanche, aujourd’hui Edouard Herriot.

  • Les abattoirs de la Mouche 

Le nom de Tony Garnier et du président du conseil municipal Édouard Herriot étaient toujours associés dans différents projets lyonnais de l’époque pour une volonté commune orientée vers l’amélioration de l’hygiène. En 1905, est projetée la construction d’abattoirs modernes. Le site du quartier de la mouche, une fois choisi, engendre l’aménagement de cette partie de la ville en créant une grande artère qui desservait ce nouveau quartier.

Ce qui est évident dans le projet des abattoirs c’est sa division claire des services ; celle du marché et celle des abattoirs. L’ensemble du complexe est construit en béton de gravier à l’exception de la charpente de la halle. Quant aux façades polychromes, elles sont en pierre. On recourt aux redents, pilastres, et aux tours d’angles. Le grand hall est colossal avec son système constructif qui était supposé être construit en sa totalité en béton armé mais à cause des problèmes techniques lors de sa réalisation, on utilise l’acier en se référant à la grande halle des machines de l’exposition universelle de 1889.

Le projet se distingue par une circulation à sens unique qui commence par le transport des bêtes et se termine par les produits dérivés.

  • L’hôpital de Grange-Blanche

La municipalité lyonnaise organisait un voyage en Allemagne et au Danemark pour examiner les installations modernes de ces deux pays et dont Garnier et Herriot faisaient partie. Le projet est une manifestation de la séparation entre les différents départements. On remarque que l’extrémité nord est destinée aux installations de service alors que l’extrémité sud au département contagieux. Le reste est destiné aux pavillons de chirurgie et de médecine. La conception se caractérise par une liaison entre les pavillons et les services par un système de communication souterraine.

Fig. 4. Les abattoirs de la mouche, vue d’ensemble, Source : www.atelierslamouche.fr

Fig. 5. Hôpital Grange Blanche. Croquis Tony Garnier 1911. Source : Des innovations techniques Fondamentales Archives Municipales de Lyon AML : 959WP139.

Tony Garnier garde souvent la même logique dans ses conceptions et ses constructions. Il s’agit toujours d’une cohérence souvent liée à un certain circuit ; les produits et les bêtes pour les abattoirs, les malades pour l’hôpital. L’architecte respecte dans tous ses projets l’hygiène et le bien être des occupants de l’espace. Il donne une grande importance à l’ensoleillement et l’aération. L’organisation rationnelle de l’intérieure prime et dicte l’aspect extérieur, souvent simple et pauvre en décoration, en faisant recours à des nouveautés techniques. Dans le temps où les architectes utilisent le béton armé et le cachaient sous une façade éclectique, Garnier se libère de cette logique pour en créer un style différent et innovant ; un style moderne et peu commun par rapport à l’architecture courante de l’époque.

Si on veut comparer l’œuvre de Garnier depuis la laiterie du parc jusqu’au son dernier projet, on remarque que ses œuvres évoluent avec le progrès et la rénovation de l’emploi du béton armé ce qui donne que la structure des bâtiments devient de plus en plus légère et qui donne naissance au « plan libre ». La seule animation que Garnier utilisait se manifeste dans la verdure, les plantes grimpantes qui ornementent les façades, les pergolas, les loggias et les balcons. L’architecte insiste sur le jeu des volumes pour créer un dynamisme dans ses constructions ; il recourt aux cages d’escaliers hors-œuvres pour générer un rythme plastique de l’exécute.

Il s’est servi de l’angle droit et encore des formes géométriques variées : octogonal, trapèze et fuseau. L’architecte respecte à chaque fois la forme du terrain. Chaque projet est unique selon son orientation, son implantation, ce qui rend le concepteur sensible aux valeurs du paysage.

2. Contexte géographie : le parc de la tête d’or

2.1. L’espace de la tête d’or avant la vacherie municipale

Le domaine de la Tête d’Or qui se trouve à Lyon se compose, au XVIe siècle de 3 îles principales, séparées par les bras du Rhône : l’île Lambert (ou Vassieux), le bois de la Tête d’Or et l’île Chevaline (nom lié probablement à la présence de pâturage). Ces trois îles évoluent sur un terrain peu propice aux aménagements, recouverts de broussailles et de marécages.

Ces terrains appartenaient à une famille Lambert depuis 1530. En 1570, le domaine a été vendu aux jésuites de la maison de Bellecour et le grand Hôpital de Notre Dame de la Pitié. En 1637, une dame Lambert céda une importante partie de sa propriété à l’Hôtel-Dieu de Lyon et une autre partie était acquise par le même hôpital en 1735. L’Hôtel-Dieu agrandit encore sa possession par la suite et finalement en 1855 le domaine appartenant à l’hôtel-Dieu a été acheté par le préfet Vaisse, qui a mené des travaux de rénovation à la ville de Lyon sous le second empire entrainant ainsi un changement radical dans le paysage urbain pour son projet de parc.

Le préfet C.-M. Vaïsse suggère au Conseil Municipal l’acquisition de l’espace Tête d’Or. Un espace comprenant alors trois sortes de configurations différentes du terrain, une ferme entourée de champs et prairies ; un bois entrecoupé de lônes et de pâturage et un rivage renouvellement gagné sur le Rhône.

Fig. 6. Plan du domaine de la Tête d’Or, Laurent de DIGNOSCYO, 1856. Source : AML 2S0510.

En 1856, le préfet reçoit l’autorisation de créer un parc, demande à l’ingénieur municipale Gustave Bonnet de créer un programme de ce dernier ce qui l’a poussé à se référer à un paysagiste reconnu pour la mission « Denis Bühler ». L’exécution a commencé en 1856 jusqu’en 1862 et qui a inclus le creusement du lac, la création des mouvements de terrain. S’ajoutent à ces travaux, la construction de la clôture, des portails monumentaux, les serres, le jardin botanique et les installations du jardin zoologique. La création du parc a dynamisé la presqu’île, et la postérité de la ville ne dépendait plus de son centre traditionnel.

Fig. 7.Plan du domaine de la Tête d’Or, Laurent de DIGNOSCYO, 1856. Source : AML 2S0510

La mission du paysagiste consistait essentiellement à dresser un plan commenté du parc, le contrôle de la conduite du chantier et la création d’une liste des végétaux essentiels. Denis trace lui-même la plantation des arbres. Le parc demeure avant tout un lieu de promenade et de loisirs avec des constructions offrant des divertissements aux visiteurs : Chalet des Gardes (espace de détente), carrousel, théâtre de Guignol… Mais il prend pareillement l’aspect d’une fonction scientifique et pédagogique par la présence du Jardin Botanique qui apporte la connaissance des plantes médicinales, servant également aux soyeux pour créer de nouveaux modèles floraux.

Le Jardin Zoologique, à son tour, permet aux habitants de venir à la rencontre des animaux. Ce dernier situé à l’est du Parc accueille des animaux domestiques et rustiques qui s’adapteront facilement. Les animaux exotiques arriveront plus tard relevant d’un coût trop important. Les animaux sont donc présents très rapidement au sein du Parc et dès 1858 on peut noter la construction d’une première vacherie.

2.2. La vacherie provisoire de Denis Bühler

L’idée d’une vacherie provisoire au parc était évoquée par un éleveur parisien, E. Gérard, en septembre 1858, qui était en charge de l’entretien des animaux du parc. Cette vacherie est créée à l’origine pour l’entretien et la fertilisation des pelouses par le biais des vaches en gestation. Par la suite, ce bâtiment va épouser une nouvelle fonction dans le but de rentabiliser la production du lait. Et ainsi qu’on décide d’organiser, dès les années 1860, un service de livraison à domicile, un service peu rentable vu le nombre de consommateurs qui passent l’été à la campagne. La vente à domicile devient alors trop coûteuse pour la Vacherie du Parc (matériel et main d’œuvre). La vente est alors annulée du 1er avril au 1er octobre et n’est assurée que 6 mois dans l’année.

D’un point de vue constructif, cette vacherie n’est conçue que de façon provisoire. C’est pourquoi en 1859, E. Gérard décide de visiter des modèles de vacherie différents notamment en Suisse afin d’améliorer le service du Parc. Cette année-là, il dote d’ailleurs la vacherie d’un vacher, en charge de la gestion des animaux, de la traite et des bons soins. Mais c’est en 1860, accompagné de Denis Bühler qu’il va trouver le modèle idéal ; celle de la ferme impériale de Vincennes, qui possède une vacherie remarquable de par son organisation soucieuse de la commodité et de l’hygiène.

Fig. 8. La Ferme Impériale de Vincennes (Barral, 1860).  Source : Pierre-Olivier Fanica,2008, p. 423.

L’histoire de la ferme impériale va nous guider vers la petite histoire du lait et des vacheries à Paris. En effet avant la découverte de pasteurisation, le lait ne pouvait pas être conservé très longtemps ni transporté sur des grandes distances. Les parisiens qui n’étaient pas de gros consommateurs de lait devaient nourrir leurs enfants et c’est pour cette raison que le lait était commercialisé par les laitiers et les crémiers. Cependant le lait vendu était dénaturé soit en enlevant la crème, soit en ajoutant de l’eau et même de la farine.

Devant la consommation du lait qui devient de plus en plus importante avec l’apparition de la mode du café au lait surtout au XIXe siècle, de nombreuses vacheries vont s’installer à Paris. L’état des animaux attachés n’était pas satisfaisant ; des bêtes qui ne sortaient pas de leurs étables que pour se rendre aux abattoirs, les étables étaient mal construites, remplies d’ordures et mal aérées. Cet état funeste était souvent source de plusieurs nuisances et infections sans aucun contrôle vétérinaire. La présence de ces nouvelles vacheries n’améliore pas l’absence de l’hygiène lors de la traite ce qui engendre la transmission de maladies bactériennes (tuberculose, mammite, fièvre aphteuse). Il était commun que le lait soit ‘mouillé’ avec de l’eau ou mélangé avec des anticoagulants ou des antiseptiques.

 En 1855, l’impératrice Eugénie fait construire dans le bois de Vincennes une ferme nommée la Ferme de la Faisanderie. A la fin du Second Empire, la Ville devient propriétaire du domaine. La ferme impériale de Vincennes est alors fondée en 1858, sa vacherie comprend 104 vaches de races suisses et normandes. Les vaches sont divisées en deux rangées et le chemin de fer central de l’étable assure la circulation des chariots qui portent la nourriture des animaux. Les vaches sont attachées par une chaîne à quatre branches : deux qui entourent son cou et deux qui se terminent par des anneaux enfilés sur des piquets permettant de suivre le mouvement de tête de l’animal. Il existe pareillement dans l’étable une auge à rafraichir le lait et un étage desservi par des escaliers qui sert de logement pour les vachers.

Un bâtiment central est dédié à la préparation de la nourriture des animaux. Et aux deux extrémités se trouvent des meules hollandaises pour le traitement du foin. Les personnes en charge des vaches, alors appelées bouviers, sont au nombre de quatre et logés en partie supérieure du bâtiment central, chacun disposant d’une fenêtre leur permettant de contrôler les vaches. Ils se doivent de veiller à la bonne santé des animaux et également de réaliser la traite (deux fois par jour). A noter que le cheptel bovin n’est pas composé uniquement de femelles, les mâles étant placés aux extrémités des travées.

Le coût total pour la construction de la ferme impériale de Vincennes est de 80 000 francs. La ferme est ouverte aux visiteurs qui peuvent venir déguster du lait pur, produit dans la vacherie. La fonctionnalité dans ce bâtiment domine et l’aspect extérieur s’avère simple en se prêtant un langage rural. Une idée que l’on retrouvera quelques années plus tard chez Tony Garnier. En 1861, Bühler, influencé par ce modèle présente un nouveau plan pour la Vacherie du Parc, qui sera alors reconstruite en février 1861 et composée d’une intersection de deux rectangles. Le plan donne l’idée d’une construction en forme de croix, une composition symétrique qui comporte une cour centrale de forme octogonale qui dessert quatre volumes par une allée de 11 m environ.

1) Galerie de consommation ; on y trouve un bureau, une cuisine, une laiterie et une cage d’escalier.
2) Deux étables de part et d’autre qui portent chacune deux rangées de huit places de 1,20m.
3) Huit places de 1m 20 pour les vaches, une chambre (grain et trappe) et une autre pièce ou on y trouve de l’herbe de de l’eau.
4) Trois galeries.

Fig. 9. Plan de la Vacherie, Denis Bühler, 1860. Source : AML 1923 W 001. Modifié par auteur.

Fig. 10. Plan du Parc de la Tête d’or, Claude Joseph de Dignoscyo 1860. Source : AML 2S0510.

Sur le parcellaire datant de 1860 et 1870 on observe bien un bâtiment sur un plan en croix mais accolé à un bâtiment rectangulaire plus imposant. Malheureusement, on ignore si le bâtiment en croix vient s’accoler à un autre existant ou bien s’il s’agit de la réalisation du projet de Denis Bühler après des modifications.

Peu de d’informations subsistent sur cette vacherie, qui sera détruite une dizaine d’année après sa construction, le 6 février 1871. « La vacherie rustique du Parc de la Tête d’or, construite en planches et couverte en chaume a été complètement détruite par un incendie. Le feu s’est déclaré hier matin à quatre heure quarante-cinq minutes et à six heures il ne restait de ce bâtiment que les ferrures des portes. ». Le rapport sur l’incendie nous indique que cette nouvelle construction réalisée par Denis Bühler n’était toujours pas conçue avec des matériaux durables. Suite à cet incident la décision sera prise de ne pas reconstruire la vacherie mais la vente de lait ne s’arrête pas là.

2.3. Transfert du Service de distribution du lait

En effet, le service de distribution du lait ainsi que les vaches sont transférés à la Ferme Lamber(2). Située non loin de la vacherie brûlée, elle se trouve le long de l’allée de la Volière et était présente avant l’aménagement du Parc par Denis Bülher.

La ferme de Lambert était alors un sujet de transformation en bâtiment administratif qui n’aboutira pas et reste telle qu’elle. Au fil du temps, la superficie de la ferme fait de cette dernière un lieu aménageable pour tous types de fonctions. Elle servira dans un premier temps de conservatoire de botanique (accueille les collections durant l’hiver) ; puis de logement (accueille le conservateur en 1858, le Directeur Général du Parc G. Bonnet, les gardes du Parc aménagé dans l’ancienne ferme servant alors d’écurie et d’atelier).

Aujourd’hui, la ferme comprend un herbier de 200 000 parts, une collection (15 000 espèces), une graineterie (environ 1000 spécimens), un laboratoire de conservation des plantes les plus rares et une bibliothèque (6000 ouvrages et revues). Mais après 1871, sa structure ayant conservé les écuries, les vaches y sont transférées. La Ville décide alors de louer le service de laiterie à M. Estienne. Ce dernier doit alors se soumettre au cahier des charges ; payer un loyer pour l’usage de la ferme, ainsi que le droit de pâturage et il bénéficie d’un droit exclusif pour la vente du lait au sein du Parc de la Tête d’Or. Ce bail durera cinq ans et sept mois du 23 mai 1875 à novembre 1880.

Fig. 11. Photographie aérienne. Localisation des différents bâtiments liés au service de distribution du lait. Source : Photographie aérienne, Géoportail.

Outre le monopole du lait au sein du Parc M. Estienne va se voir accorder par la Ville, le droit exclusif de vendre du lait sur les places publiques désignées par l’administration. A la condition de payer un droit de stationnement de 200 francs par an afin d’établir les vaches laitières sur les neufs sites suivants :

Place de Perrache ; de Bellecour ; des Jacobins ; des Terreaux ; du Maréchal Lyautey (ancienne place Morand) ; Raspail (ancienne place des Squares) ; Quai Jean Moulin (ancien quai de Retz) ; place de l’Hôpital ; anciennement place de la Pêcherie (aujourd’hui fondue dans le quai du même nom).

D’un point de vue économique, il est intéressant de constater que c’est sur la place Bellecour que la tasse de lait coûtait le plus cher soit 0.25 francs la tasse de 0.33 litres, alors que sur les autres places la tasse revenait à 0.20 francs. En ce qui concerne la vente au sein du Parc, le coût devait être similaire à la place Bellecour, mais des plaintes successives ont amené à une baisse soit 0.15 francs la tasse de lait.

Il est peu probable que son bail fut reconduit au bout des cinq années, son prix de vente étant considéré trop élevé et son irrespect de l’hygiène sur les places publiques. Le droit exclusif de vente du lait sur les places publiques exigeait un nettoyage des places après le stationnement des vaches par M. Estienne, des critères qui n’ont jamais été respectés. Ce dernier estimant qu’au prix où il payait le stationnement il n’avait pas à faire le ménage.

Il est possible de supposer qu’une autre personne ait repris la vente de lait après son départ. La seule chose certaine c’est qu’en 1880, les bâtiments du rez-de-chaussée de la ferme sont aménagés pour accueillir les gardiens. La décision est alors prise de construire un nouveau bâtiment dans la cour qui servira d’écurie et de fenil. Donc la ferme continue à être le lieu d’accueil des vaches après le départ de M. Estienne.

Il faudra cependant attendre 1904 pour que la Ville de Lyon décide de reconstruire une Vacherie. Mais cette fois-ci dans un contexte socio-historico-politique particulier, car cette dernière serait mise en service afin de produire du lait de qualité pour les enfants nécessiteux des crèches municipales de la Ville.

3. Contexte socio-historique de la création de la Vacherie municipale

3.1. L’industrie laitière : production et distribution

La production et la distribution du lait ont été partagées entre nombreux corps de métiers outre le service de distribution présent au sein du Parc de la Tête d’or dès les années 1860.

Pour la production, deux aménagements se présentent :

  • Soit une étable installée au sein même de la ville gérée par des laitiers nourrisseurs, les citadins se rendent directement à l’étable pour boire leur tasse de lait instantanément sorti du pis de la vache et profiter des bienfaits du lait.
  • Soit les grandes propriétés agricoles situées à l’extérieur de la ville gérées par un propriétaire qui envoie son lait à la ville.

Dans les deux cas, des intermédiaires interviennent entre la production et la vente du lait.

Le collecteur est celui qui intervient au sein des grandes propriétés à l’extérieur de la ville pour récolter le lait qui sera ensuite envoyé par train aux citadins. A son arrivée en gare, le lait est mis entre les mains des patrons laitiers, ces derniers envoient leurs commis récupérer le lait à l’aide de chariots à bras ou à chien. Les commis partent ensuite vendre leur lait dans la cour des immeubles. Le processus est simple ; le premier commis arrivé dans la cour s’annonce par un signal sonore, les ménagères souhaitant du lait se mettent alors à leur fenêtre. Le garçon commis n’ayant plus qu’à gravir les marches de l’immeuble.

Après cette vente directe au consommateur, le lait invendu va à la crémerie, où il est transformé en produit dérivés (beurre, fromage…). La gérante de ce magasin est la crémière, généralement la femme du patron laitier. Sa concurrente première est la laitière, qui récupère le lait dans les vacheries de la ville pour aller le vendre dans les rues. La laitière disparaîtra à la fin du XIXe siècle, la concurrence de la crémière étant trop importante, cette dernière ayant l’avantage d’avoir pignon sur rue. Enfin, au milieu du XIXe siècle avec l’industrialisation de la production du lait, de grosses sociétés vont donc peu à peu prendre le monopole de la production en gérant elles-mêmes presque toutes les étapes : ramassage, conditionnement, transport, distribution. L’une des plus importantes sociétés de production de lait et de ses produits dérivés sera la Société Laitière Moderne. Cette dernière se spécialise, avant la Première Guerre Mondiale, dans l’approvisionnement du lait à Lyon et sur la Côte d’Azur. Le lait qu’elle récolte dans les grandes propriétés agricoles à l’extérieur de la ville est ensuite acheminé dans des stations de transformation-pasteurisation situées à Villars-en-Dombes, Thuellin et Côte-Saint-André.

Une fois arrivé à Lyon par wagon, le lait est concentré à l’usine de la Société Moderne, au 99 cours Gambetta, dans le troisième arrondissement de Lyon. A ce stade le lait y est goûté puis remis au service de livraison, ou re-pasteurisé ou écrémé. Les laits caillés, piqués, invendus deviennent du beurre ou de la pâte molle. Le lait est ensuite vendu grâce aux 90 succursales présentes dans la ville connues sous l’appellation « Le Bon Lait ».

Il ne faut cependant pas omettre qu’autour de la vente de ce produit, émerge la question de l’hygiène du lait. Car si au XXe siècle le lait et ses dérivés deviennent des produits de consommation de la vie courante, à l’origine ce dernier était avant tout utilisé à des fins médicales. Les vertus médicales du lait vont rapidement être remises en question par les hygiénistes et certains médecins dès le milieu du XIXe siècle.

3.2. L’hygiène du lait, fraudes et législation

En effet dès le XVIIe siècle, le lait cru était prioritairement réservé pour la consommation des malades et des enfants en bas âge. Il était préconisé contre diverses maladies, telles que le typhus et les crises d’angoisses… et était administré de manière variée : absorption naturelle, injection sous-cutanée, collyre…

En ce qui concerne la consommation dans la vie courante, le lait était rarement consommé sous sa forme première, mais plutôt en beurre ou fromage. Dès lors les habitudes alimentaires changent et le vin consommé dès le petit déjeuner est peu à peu remplacé par le café au lait. A côté de cet usage médical et progressivement de la vie courante, les hygiénistes et les médecins vont commencer à s’interroger quant à la possible dangerosité du lait pour l’organisme. Question d’autant plus essentielle qu’il est largement administré aux nourrissons et aux malades, ces derniers n’ayant pas vraiment la capacité de résister à un produit douteux.

A la fin du 19e siècle, les hygiénistes savent que la production d’un lait pur, sans bactérie relève de l’utopie. Le plus important devient alors de produire le lait le moins souillé possible. Cela passe par différentes prises de conscience :

Dans un premier temps, on met l’accent sur l’état hygiénique des lieux de traites et de vente de ce produit. Différents témoignages attestent de leur situation hygiénique pitoyable même encore au début du XXe siècle.

En 1907, Charles Porcher(3), alors professeur d’école vétérinaire, dit avoir vu à Lyon, « du linge plus ou moins propre en train d’abord de s’égoutter, puis de sécher au-dessus des pots de lait ». D’autres témoignages viennent remettre en cause jusqu’à l’hygiène même du vacher ou du responsable de l’étable qui vient traire les vaches sans avoir pris la peine de se laver les mains, encore moins de laver les pis des vaches alors recouverts de bactérie…

Les pensées vont commencer à évoluer avec certaines découvertes majeures notamment grâce à la relation qui va être reconnue autour des années 1910, entre la tuberculose bovine et humaine. Dès 1920, la pasteurisation du lait permet de réduire la mortalité infantile due à M. bovis, et l’année suivante, Léon CALMETTE (1863-1933) et Jean-Marie GUÉRIN (1872-1961) proposent leur vaccin vivant atténué, le BCG, obtenu par passages répétés sur pomme de terre biliée depuis 1908.

Il faut savoir qu’à la fin du XIXème siècle cette maladie est responsable d’environ 150000 morts par an en France et que faute de connaissance, le soin administré aux personnes atteintes de tuberculose est généralement le lait. Dès lors que la contamination de l’homme par l’espèce bovine sera établie, la solution première va résider dans la suppression progressive des cheptels contaminés.

Le vaccin efficace contre la tuberculose bovine et humaine est créé en 1908. Petit à petit les étables et autres lieux de vie des bovins sont soumis à la tuberculination, un test qui permet de vérifier si l’animal est atteint ou non de la tuberculose et de procéder à son élimination si le test s’avère positif. Dès 1905, lors du deuxième congrès international de la laiterie, différentes solutions sont proposées afin de lutter contre cette maladie mais également afin d’améliorer l’hygiène au sein des structures laitières.

Les propositions avancées sont les suivantes :

  • Élimination des vaches réagissant à la tuberculine ;
  • Sensibilisation des agriculteurs et des pouvoirs publics ;
  • Enseignement de l’hygiène de la production dans les écoles d’agriculture ;
  • Mise en place de structures locales conformes aux mesures d’hygiènes attendues dans les étables.

En ce qui concerne ce dernier point, l’hygiène attendue dans les étables nous est décrite par Charles Porcher en 1916(4), à savoir un cheptel bovin sain afin de limiter la tuberculose, un apport alimentaire de qualité et de quantité suffisante dans le but de produire un lait de meilleure qualité, un environnement propre pour les vaches : air, lumière, sols faciles à laver, abreuvement individuel pour limiter les contaminations, traite réalisée en dehors de l’étable, vacher propre, mamelle nettoyée avant la traite. Après la traite, le lait doit être refroidi sur un radiateur à eau fraîche, puis placé dans des bidons propres conservés au frais jusqu’à l’embarcation. La tuberculination est une mesure préventive, permettant la non-contamination de l’homme. Cependant d’autres découvertes vont permettre l’amélioration de la qualité du lait.

Au milieu du XIXe siècle, les progrès de la chimie sont considérables pour la technologie laitière, notamment avec les découvertes pasteuriennes. La pasteurisation dont le procédé est attribué à Louis Pasteur en 1865, était à l’origine utilisée pour la conservation du vin afin de détruire les germes et favoriser sa conservation.

La technique de pasteurisation appliquée au lait consiste en la destruction de sa flore banale, et de la flore lactique acidifiante, sans nuire à la structure physique du lait, lui laissant ainsi toutes ses vertus (éléments biochimiques, vitamines…) et ce par un emploi contrôlé de la chaleur. La pasteurisation permet donc d’éliminer une grande partie des bactéries présentes dans le lait.

Dans un premier temps, elle fut employée dans le domaine laitier non pas afin de répondre aux besoins hygiénistes, mais il s’agissait en réalité « d’un artifice industriel des entreprises laitières »(5). En effet avec l’évolution urbaine, l’industrie laitière, et l’hygiénisme, les troupeaux sont peu à peu transférés vers les banlieues. Le transport du lait prend alors une ampleur importante, et la conservation du lait durant le trajet devient essentielle. Ce dernier doit conserver son aspect liquide jusqu’à son arrivée chez le consommateur. La destruction des flores banales et lactiques acidifiantes obtenues par la pasteurisation permet au lait de garder un aspect esthétique engageant, en évitant son caillage.

Par ailleurs en parallèle de la pasteurisation, sur un mode quasiment similaire, Nicolas Appert(6) en 1795, invente le processus d’appertisation ou stérilisation, qui consiste en la conservation des aliments en chauffant au bain marie le contenu et le contenant. Cette découverte appliquée au lait permet sa conservation, et empêche une contamination ultérieure du produit. Bien sûr, ces techniques ne vont pas connaître un succès immédiat, de nombreux médecins à la fin du XIXème prônent encore les vertus inconditionnelles du lait cru, la chauffe étant perçue comme un facteur de perte des qualités du lait. Il faudra attendre 1928 pour que la pasteurisation du lait devienne obligatoire.

Afin de faire appliquer ces connaissances par les producteurs de lait, des moyens sont mis en place afin d’enseigner et de prévenir des bases de l’hygiène aux propriétaires de cheptel bovin (maladies transmissibles à l’homme, processus de stérilisation, propreté d’une étable…). Mais faute d’une législation adéquate en parallèle, les nouvelles découvertes et les règles hygiéniques ne sont que des conseils donnés aux producteurs, ces derniers n’ont aucune raison de les appliquer, d’autant plus que ces règles mises en application, prennent du temps et coûtent de l’argent.

C’est pourquoi faute de contrôle et d’obligation, le lait de mauvaise qualité reste très présent, même au début du XXe siècle, vendu aux classes pauvres et généralement mélangé à des produits douteux afin d’en vendre une plus grande quantité.

Au XIXe siècle on parle alors de fraude par mouillage, qui consiste à rajouter de l’eau au lait, ce qui a pour effet de réduire la qualité du lait mais permet la vente d’une plus grande quantité. Et afin de pouvoir ajouter le plus d’eau possible, on tente d’épaissir le lait avec de la farine, de l’amidon, de la craie, voir du plâtre.(7)

A noter également que faute de législation, jusque dans les années 1900, l’utilisation de substances chimiques (formol, acide borique, acide salicylique) pour éviter la tourne du lait et masquer les fraudes est courante.

Ces fraudes sont connues de tous, et la dangerosité du lait ne passe pas inaperçue. Scandale majeur qui amène les journaux satiriques du début du XXe siècle à écrire sur le sujet, tel que l’Assiette au beurre en 1912 qui publie un numéro spécial sur les Falsificateurs de lait. Ces caricatures témoignent du début d’une prise de conscience sur la dangerosité de ce produit, sur la malhonnêteté des producteurs et des vendeurs.

D’autant plus scandaleux qu’aucune mesure efficace ne semble être prise contre les producteurs et vendeurs de lait, pourtant responsables de mortalité infantile.

En ce qui concerne la législation sur les fraudes et donc sur l’hygiène, les lois sont difficiles à mettre en place.

Le 1er août 1905, loi sur la répression des fraudes qui classe comme délit et punit toutes les manœuvres qui rendent le lait insalubre. C’est la seule loi contrôlant la production laitière, qui est d’ordre répressif. Mais l’efficacité d’une loi sur l’hygiène du lait se révélerait dans des mesures préventives.

Le décret du 22 janvier 1919 organise le service d’inspection des fraudes. Malheureusement les pouvoirs publics ne semblent toujours pas sensibilisés aux soucis de salubrité du lait et de son contrôle hygiénique.

Le décret du 25 mars 1924, pris conformément à l’article 11 de la loi de 1905 explique que ne peut être considéré comme lait propre à la consommation : tout lait coloré, malpropre ou odorant ; tout lait contenant du colostrum ; tout lait provenant d’animaux mal nourris et surmenés, tout lait provenant d’animaux atteints de maladies dont la nomenclature sera donnée par le ministre de l’Agriculture après avis du Comité consultatif des épizooties.

La circulaire du 15 mars 1927 permet d’assurer un contrôle officiel sur les fraudes ainsi qu’une surveillance des étables par des vétérinaires. Une mesure qui reste malheureusement facultative et sans avantage pour le producteur qui n’a donc aucune raison de s’y soumettre.

Dans ces conditions, il s’avère presque impossible d’obtenir un lait sain, principalement de la part des petits producteurs. C’est pourquoi dès le début du XXe siècle l’avis général est plus favorable aux industries laitières, qui s’applique plus particulièrement à répondre aux préoccupations hygiénistes de l’époque et qui par des moyens plus importants peuvent se munir de la nouvelle technologie laitière permettant la stérilisation du lait et évitant ainsi sa contamination. Les hygiénistes prévoient alors la disparition progressive des nourrisseurs au profit de l’industrie laitière.

Fig. 12. L’Assiette au beurre, Benjamin Rabier, 1902. Source : BNF-Gallica

Fig. 13. L’Assiette au beurre, Camille Lefèvre, 1902. Source : BNF-Gallica

3.3. Début d’une réflexion sociale autour du nourrisson, XIXe-XXe siècle

Le lait au XXe siècle est perçu comme un produit à la fois nécessaire mais également dangereux. D’autant plus pour les familles pauvres qui ne sont pas en mesure de payer le prix suffisant pour un lait de bonne qualité.

Malheureusement, les premiers à pâtir des problèmes d’hygiène du lait (bactérie, maladie…) sont les enfants en bas âge. Malgré tous les dangers dont il est porteur il reste l’un des premiers éléments nutritionnels des nourrissons. Le contrôle de l’hygiène du lait va devenir d’autant plus important que dès le début du XXe siècle le souci de dénatalité commence à inquiéter : la population française vieillit. Il devient alors primordial de diminuer la mortalité infantile et donc de tout mettre en œuvre afin de prendre soin au mieux des enfants.

Cela passe bien entendu par un environnement et une alimentation saine.

Cette inquiétude pour l’enfant commence dès le XIXe siècle, après la révolution industrielle, les familles rurales vont émigrer vers les villes, les femmes se retrouvent alors dans les usines et la garde devient un point clé pour le bon développement de l’enfant. Ce dernier étant généralement soit abandonné, soit amené au travail où il sert de main d’œuvre dans des conditions exécrables, pour des travaux dont il ne possède pas la capacité. Dans les deux cas sa vie est considérablement mise en danger.

C’est principalement sur la question de l’abandon que va découler la réflexion de la prise en charge d’un enfant. La garde d’enfant n’est cependant pas une nouveauté, les premières règlementations pour les nourrices datant de 1545.

Les familles ouvrières possèdent alors plusieurs alternatives concernant la garde de leur enfant. Le plus prisé de tous étant la nourrice. Bien qu’elle ait une très mauvaise image malsaine et sale, elle est la moins onéreuse et les enfants alors emmenés loin de leur famille pendant les 4-5 premières années de leur vie deviennent un souci moindre pour leurs parents. Le taux de mortalité était élevé, cause de cupidité et de négligence.

Une autre alternative est possible ; celle des gardeuses ou serveuses, en charge de l’enfant durant la journée. Mais là encore la profession souffre d’une très mauvaise publicité, les espaces de garde étant généralement insalubres et les gardiennes peu soucieuses de l’enfant ; des conditions qui vont jusqu’à entrainer des décès.

Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que la mortalité infantile devienne un problème national de par les enjeux démographiques et sociaux, la cible du problème étant alors la garde de l’enfant et l’allaitement. Cette prise de conscience va permettre l’aboutissement d’une loi en 1847 qui permet de penser l’enfant autrement entraînant la dotation d’une structure de protection médicalisée en France.

Le contexte socio-politique du milieu du XIXe siècle amène une partie de la classe ouvrière à lutter contre l’ignorance afin de mieux se défendre contre le patronat. En parallèle les philanthropes bourgeois créent des associations pour venir en aide aux nécessiteux.

La révolution industrielle et le développement du prolétariat urbain favorise l’implantation de la doctrine socialiste fondée sur une volonté d’une juste organisation sociale en réponse à la pauvreté des classes populaires. De ce contexte va peu à peu émerger l’idée qu’une des solutions aux problèmes se trouve dans l’éducation du jeune enfant.

Théories, pensées de l’éducation, expériences d’éducation collectives vont alors se succéder pour aboutir en 1844 à l’ouverture de la première crèche que l’on doit à Firmin Marbeau l’homme politique, le jurisconsulte et le philanthrope.

La naissance des crèches repose sur plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux étant l’ordonnance du 27 décembre 1837, qui stipule que les salles d’asiles (qui peuvent se rapprocher des écoles maternelles d’aujourd’hui) sont désormais sous le contrôle du maire d’arrondissement en tant que Président du comité local d’instruction primaire.

Marbeau va réaliser alors un rapport sur les salles d’asiles du premier arrondissement de Paris et se rendre compte de l’absence d’un système intermédiaire prenant en charge l’enfant, entre l’aide aux femmes en couches et les asiles. Emerge alors l’idée des crèches collectives pour les enfants âgés de 0 à 2 ans.

Encouragées dès ses débuts par la presse, par l’autorité administrative, par l’autorité religieuse et par l’Académie française, les idées de Marbeau se propagent vite. La première crèche est ouverte le 14 novembre 1844, et porte le nom de crèche de Chaillot. Cinq crèches furent ouvertes à Paris en 1845 et huit en 1846.

Cette même année, la Ville de Lyon crée la Crèche de Saint-Paul et la confie aux sœurs de Saint-Vincent de Paul. En 1850 une deuxième crèche est créée, sur la paroisse de Saint-Polycarpe.

Ces institutions mettent tout en œuvre afin de répondre aux besoins de l’enfant (soin, éveil, nutrition, hygiène).

Les enfants sont accueillis à la crèche uniquement durant la journée. La mère prenant en charge son enfant la nuit, le dimanche, et tous les jours où elle ne travaille pas.

D’un point de vue hygiénique les mesures prises sont satisfaisantes, l’air des salles est complètement renouvelé lorsqu’elles sont vides. Afin d’éviter au mieux les épidémies, les enfants malades ne sont pas reçus au sein de l’établissement. Le nombre des enfants est limité en raison du volume d’air des salles ; les soins et l’alimentation de l’enfant sont plus réguliers qu’au sein de leur famille ; une visite fréquente du médecin est assurée dans les crèches assurant ainsi les soins et l’hygiène. Dans toutes les crèches, les enfants qui sont amenés régulièrement sont généralement mieux portants que les autres.

La conclusion s’impose d’elle-même ; les enfants élevés à la crèche ont plus de chance de vivre que s’ils sont envoyés chez une nourrice ou même gardés par leurs mères.

D’un point de vue économique la crèche est par ailleurs la meilleure solution. Le prix est toujours inférieur au salaire de l’ouvrière et peut-être réduit si nécessaire.

  En parallèle des crèches municipales, des œuvres privées viennent en aide aux enfants nécessiteux. A Lyon elles sont d’ailleurs nombreuses : Les Consultations Budon-Fabre (créé en 1905, pourvoit aux apports en lait), la Société Protectrice de l’Enfance, l’Œuvre des Poupons des Brotteaux (crée en 1907, encourage l’allaitement maternel)(8).

C’est dans ce contexte de prise de conscience des besoins de l’enfant et du courant hygiéniste que la Ville de Lyon va prendre la décision d’une installation complète afin de produire du lait sain, au sein du Parc de la Tête d’Or.

4. La vacherie municipale entre utopie et réalité

C’est en 1903 que le projet d’une Vacherie au sein du Parc de la Tête d’Or va commencer à être réfléchi par Messieurs Gérard, Directeur du Service des Cultures ; Roux, Directeur du Bureau d’Hygiène et Deruelle vétérinaire, située sur la pelouse limitée par les allées du Parc aux moutons, de la Volière et de l’Orangerie. L’idée principale étant de proposer aux crèches municipales de la Ville un lait sain pour subvenir aux besoins des enfants en bas âges.

4.1. Sélection des bénéficiaires au projet social de la Ville

La question des choix des bénéficiaires du lait stérilisé se présente sous deux côtés :

  • Un côté « assistance » et un côté « hygiène »(9)
  • De point de vue « assistance » il faut que les parents de l’enfant soient indigents ou tout au moins dans une situation de fortune qui ne leur permet pas de se procurer une quantité suffisante de lait à leur propre frais.
  • De point de vue « hygiène », la mère ne doit pas être en capacité de nourrir elle-même son enfant. Le lait maternel étant de loin le lait le plus sain. Un enfant en bonne santé ne pourra bénéficier du lait de la Vacherie municipale.

Le mode opératoire mis en place afin de sélectionner les enfants est le suivant :

Les mairies d’arrondissements réalisent une enquête des demeures qui, de point de vue de l’assistance pourraient recueillir un avis favorable. Le dossier constitué est alors transmis à la mairie centrale. Le bureau d’hygiène s’occupe alors de faire passer une visite médicale à la mère et à son enfant. Cette consultation permet ensuite au bureau d‘hygiène de réaliser un classement des enfants en fonction de leur besoin et de leur âge. Lorsqu’un enfant ne nécessite plus les services de distribution du lait, le bureau d’hygiène envoie à la mairie centrale un bulletin de radiation. Afin de faciliter le contrôle de cette distribution, les directrices des crèches par l’intermédiaire du bureau d’hygiène doivent rendre compte des acceptations et de radiations d’enfants au sein de leur établissement à la mairie. Enfin, afin de ne pas accepter plus de bénéficiaires que la Vacherie puisse fournir du lait, la mairie centrale établit des fiches qui lui permettent de vérifier si la distribution du lait correspond à la production de l’étable. Si dans l’idée la Vacherie municipale relève d’un projet social de bonne intention, dans les faits il se révèle n’avoir pas assez été étudié ; une quantité de production inférieure à la demande, économiquement peu intéressant et finalement une qualité de lait qui ne répond pas aux attentes espérées.

4.2. La réalité de la Vacherie

La première critique que l’on peut apporter à la vacherie c’est sa production insuffisante de lait pour répondre à la demande.

Les crèches municipales approvisionnées par le lait de la Vacherie sont pourtant nombreuses. Mais la production revient à 350 enfants environ contre 3000 enfants qui naissent chaque année dans la même classe sociale.(10)

Dès 1908, une cinquantaine d’enfants attendent leur admission au bénéfice du lait stérilisé après visite médicale. Et en 1911, 491 enfants bénéficient du service gratuit de la Vacherie, laissant 80 demandes en souffrance.

Cette augmentation de la demande de production pose bien évidemment problème au niveau économique.

 En effet ce constat est mis en évidence par C. Porcher, G. Birbis et C. Morel en 1916 dans leur ouvrage sur l’approvisionnement de Lyon en lait. Dans lequel ils exposent les budgets de la vacherie municipale en 1913 et en 1914.

Le budget total de 1913, comprenant le coût du personnel ainsi que le matériel et les dépenses diverses s’élèvent à 60 250 francs et à 70 300 francs en 1914. Le budget reste donc à peu près égal entre ces deux années, pour un cheptel de 35 à 40 vaches, produisant 300 à 350 litres de lait. Cependant ces chiffres sont bien loin de ceux prévus par le maire dans son premier rapport qui pensait économiser 10 000 francs sur les 25 000 antérieurement dépensés pour obtenir le lait stérilisé nécessaire aux enfants pauvres des crèches.

Finalement le lait fourni par la Vacherie du Parc revient à 0.75 francs le litre, bien loin des 0.20 francs maximum prévu à l’origine. (Soit les chiffres suivants : Entretien d’une bête : 2francs/jour = 730 francs/an – Prix de vente d’un veau de 8 jours : 50 francs -Prix final de l’entretien d’une bête : 730-50 = 680 francs/an Production de lait : 2880 litres/an -Coût du litre : 680/2880= 0.235 francs le litre)

D’autant plus que la Vacherie ne produisant pas une quantité suffisante de lait, la Ville est obligée dès 1908 de compléter la production et donc d’acheter une trentaine de litre journalier à un certain Mr. Clerc, laitier, au 54 rue de Sezè à Lyon à 0.27 francs le litre(11). Un achat jugé toujours insuffisant, l’achat de lait complémentaire nécessaire est estimé plutôt à 60 litres par le bureau d’hygiène afin de répondre à la demande.

Se pose malgré tout, la question de la qualité du lait à la Vacherie, est ce que cette dernière répond aux attentes de ceux qui l’ont pensé ? Produit-elle un lait « hygiénique » ?

La Vacherie municipale va faire l’objet de contrôle renforcé sur la qualité du lait vers 1911. En cause, plusieurs échantillons de lait prélevé mettent en évidence un lait pauvre en matière grasse. Ce problème a un impact d’autant plus important, que les enfants qui en bénéficient ne prennent pas de poids. Dès lors l’inspecteur principal, chef du service des substances est sollicité afin de réaliser des prélèvements à l’improviste, dans le but de démasquer rapidement les responsables des fraudes s’il y en a(12).

1) 18 rue Imbert Colomès, 69001 Lyon. 2) 72 rue de la Charité, 69002 Lyon. 3) 17 rue du Béguin, 69007 Lyon. 4) 233 rue Vendôme, 69003 Lyon. 5) 8 rue d’Isly, 69004 Lyon. 6) 11 rue Roquette, 69009 Lyon. 7) 6 quai Fulchiron, 69005 Lyon. 8) 92 rue Vendôme, 690a06 Lyon.

Fig. 14. Localisation des crèches municipales bénéficiant du service de distribution de lait stérilisé de la Vacherie municipale, 1906. Source : Photographie aérienne, Géoportail.

Bien entendu ces démarches ne plaisent pas à tout le monde, notamment le vétérinaire en charge de la Vacherie, qui y voit là des accusations hâtives n’apportant que des suspicions et entachant quelque peu son nom. Le lait va malgré tout subir plusieurs contrôles à l’improviste, la constatation finale étant que le lait est probablement additionné à de l’eau au vu de sa pauvre qualité.

Cependant l’hypothèse n’est pas à exclure qu’une partie du lait faible en matière grasse retrouvée dans les crèches provienne du laitier, qui est livré directement aux crèches sans passer par la Vacherie, empêchant alors le contrôle du lait. On se rend compte alors que d’un point de vue de l’hygiène tout le lait adressé aux enfants nécessiteux ne fait pas l’objet d’un contrôle suivi.

La Vacherie est donc critiquée de part une mauvaise connaissance du coût de l’opération de la part de la Municipalité, ainsi qu’une absence d’étude antérieure réalisée qui pourrait permettre une estimation du nombre d’enfants nécessitant ce lait. Le bâtiment va d’ailleurs rapidement poser problème du point de vue de sa taille, jugé trop petit pour accueillir un nombre suffisant de vaches.

Le projet d’origine pensé par Messieurs Gérard, Directeur du Service des Cultures ; Roux, Directeur du Bureau d’Hygiène et Deruelle vétérinaire est une construction permettant un contrôle entier, de la production jusqu’à la distribution. Elle comprend différents locaux pour la stérilisation du lait, le lavage et la mise en bouteille, le stockage des flacons ; un logement pour vacher ; un local d’isolement pour 3 vaches ; des entrepôts de betteraves et autres produits alimentaires en sous-sol ; un fenil (bâtiment pour conserver le foin) et une partie étable.

4.2. Les projets pour la Vacherie du Parc

Deux architectes vont répondre à cet appel et proposer un projet suite aux instructions données.

Le premier projet est proposé par A. Duret, l’architecte divisionnaire de la 3ème circonscription, le 30 janvier 1904(13)

Il comprend :

  • Une étable pour 40 vaches, avec dépendances, cuisine pour la nourriture des animaux, deux chambres pour les vachers, un logement de 3 pièces pour le vacher chef, une cave pour grains et légumes, un hangar à matériel, une étable d’isolement et un fenil (espace pour entreposer le foin).
  • Des locaux pour le service de stérilisation du lait comprenant un bureau, une salle de réception et de lavage des bouteilles, une salle pour la mise en bouteilles, un vestiaire lavabo pour le personnel, une salle pour les appareils de stérilisation avec dépôts de charbon, une salle de distribution, et une cave pour la verrerie.
  • Une cour avec dépôt couvert pour le fumier et la fosse à purin.
  • Au premier étage : on trouve six chambres aménagées au niveau des espaces latéraux de la surface et une large zone centrale réservée à la conservation du foin.

Fig. 15. Plan du rez-de-chaussée et étage, A. Duret, 1904. Source : AML 1140WP/100.

Cette construction est pensée avec beaucoup de simplicité, mais avec des matériaux durables, ainsi que des aménagements répondant aux prescriptions de l’hygiène :

  • Les mangeoires de l’étable (maçonnerie et ciment) seraient pourvues de robinet d’eau chaude et d’eau froide, une canalisation spéciale conduirait à la fosse les eaux de lavage de ces mangeoires et le purin.
  • Le sol serait en ciment rayé à fougère et les murs enduits en ciments poli sur 1.75m de hauteur, le surplus enduit au mortier de chaux hydraulique.
  • Le plancher couvrant l’étable serait en béton de ciment armé, les murs et les ciments badigeonnés à la chaux.
  • Les dépendances de la vacherie et tous les locaux du rez-de-chaussée à l’exception du bureau du Service de la stérilisation du lait, auraient leur sol en ciment et leurs murs badigeonnés.
  • Les aménagements de la cuisine de la vacherie comportent un fourneau à thermosiphon pour la fourniture de l’eau chaude aux mangeoires.
  • Les W.C. à chasse d’eau seraient reliés à la fosse à purin
    (Des siphons interrupteurs sont prévus sur toute la canalisation conduisant à cette fosse)
  • La cour serait pavée de pavé de demi-échantillon et s’ouvrirait par deux larges portails sur la pelouse à affecter au pâturage des animaux.

Ce projet présenté par A. Duret, répond aux attentes des initiateurs du projet mais le devis à la somme s’élève à 105 913, 50 francs (comprenant imprévus, honoraires de l’architecte et frais agence, somme probablement réduite par les rabais d’adjudication), un total beaucoup plus important que celui envisagé par la ville.

Il est intéressant de noter que deux dessins différents étaient présents au sein des archives, visiblement reliés à des saisons différentes, l’un représentant la vacherie en hiver, et l’autre au printemps ou en été, la végétation étant beaucoup plus dense que sur le dessin précédent où les arbres sont dépourvus de feuilles.

Fig. 16. Façade de la Vacherie (Hiver ), A. Duret, 1904. Source : AML 1140WP/100.

Fig. 17. Façade de la Vacherie (printemps-été), Duret, 1904. Source : AML 1140WP/100

L’hypothèse que nous avançons ici, compte tenu des dates, et que A. Duret aurait proposé un premier dessin, représentant la Vacherie en hiver et l’aurait adressé au maire de Lyon fin janvier 1904. Tony Garnier en revanche propose son projet au mois d’août de la même année. Il est donc possible qu’entre temps A. Duret ait cherché à améliorer son projet de base ou à proposer une autre alternative plus tardive.

Cependant, si au niveau de la distribution interne les plans du rez-de-chaussée sont identiques, ceux de l’étage sont différents. Le plan correspondant à celui dressé en hiver se compose d’un vaste espace central pour la réserve de foin, et de plusieurs chambres aménagées sur les côtés. Le plan de la Vacherie réalisé en été conserve l’espace central pour le fenil, mais l’architecte n’assigne pas de fonctions aux espaces latéraux. Peut-être qu’après consultation de la proposition de Tony Garnier, A. Duret a tenté de proposer un projet plus économique en limitant les travaux et donc en laissant des espaces vides pour des aménagements futurs et en proposant une façade plus simple, avec moins d’ouvertures au niveau de la toiture, la suppression des avant-corps latéraux s’élevant sur deux étages et donc une simplification de la couverture. Mais toute cette réflexion reste de l’ordre de l’hypothèse.

5. Le projet de la vacherie municipale de Tony Garnier

5.1. L’avant-projet architectural, définition du programme et conception

Après ses quatre années d’études passées à la villa Médicis à Rome, Tony Garnier va se voir confier dès son retour à Lyon, son tout premier projet, celui de la Vacherie municipale de Lyon. C’est ainsi qu’il propose le 30 août 1904 un plan comprenant :

  • Une étable pour 40 vaches, une chambre à coucher et de surveillance, une cuisinière pour le vacher, une cuisine pour la préparation de la nourriture des animaux, une cave pour tourteaux, graines et légumes, fenil, remise et WC pour le personnel.
  • Des locaux pour le service de la stérilisation du lait ayant un bureau, une salle de réception et de lavage des bouteilles avec dépôt de verrerie, une salle pour la mise en bouteilles avec vestiaire et un lavabo pour le personnel, une salle pour les appareils de stérilisation avec dépôts de charbon, une salle pour le dépôt et la distribution des bouteilles prêtes. Des combles.
  • Une cour dont une partie pavée, dépôt de fumier (couvert), fosse à purin, une étable d’isolement.

« La construction conçue avec le plus de simplicité possible, répond aux prescriptions d’hygiène et aux besoins de solidité et de durée. Elle est en outre disposée pour être facilement extensible » (Projet Tony Garnier adressé à Monsieur le Maire de Lyon, 1904 AML 1140WP/100)  

  • Les mangeoires de l’étable en ciment seraient pourvues de robinet d’eau chaude et d’eau froide, des canalisations spéciales conduiraient à la fosse les eaux de lavages des mangeoires et le purin.
  • Le sol de 60cm au-dessus du sol extérieur serait dallé en plots vitrifiés et les murs enduits au ciment poli sur une hauteur de 1m75.
  • Le plancher couvrant l’étable en ciment armé, murs et plafonds badigeonnés à la chaux.
  • Les dépendances de la vacherie et tous les locaux du RDC à l’exception du bureau et du logement du vacher auraient leur sol en ciment.
  • Les aménagements de la cuisine de la vacherie comportent un fourneau à thermosiphon pour la fourniture de l’eau chaude aux mangeoires. La cour pavée en pavés de demi-échantillon est entourée de barrières de bois et de haies de plantes taillées.
  • Les haies, le lierre qui couvrirait les murs des bâtiments et les pots garnis de plantes situés sur les pignons des murs formeraient une décoration simple en harmonie avec la destination et le lieu où sont situés les bâtiments.

Ce dernier élément est important, Tony Garnier pense l’esthétique de la Vacherie selon son environnement et sa fonction. Le résultat est très simple, contrairement à celui de Duret, beaucoup plus chargé.

Le projet de Tony Garnier est évalué au devis à la somme de 69 344,90 francs.

Les deux projets, celui de Duret et celui de Garnier, vont être pensés dans la même idée mais avec un souci de l’économie du chantier bien plus important chez Tony Garnier. C’est d’ailleurs pour cela qu’il va se voir confier la réalisation de la Vacherie municipale de la Tête d’Or.

Cependant sa première proposition va être étudiée et quelques remarques vont être émises sur le projet notamment en ce qui concerne l’aération de l’étable, l’éclairage, ainsi que la superficie des espaces.

L’extrait du rapport du conseil des Bâtiments Civils (AML 1140WP/100) nous indiquent qu’il serait préférable d’aménager plus de fenêtres pour l’aération et l’éclairage de l’étable. En effet avec une longueur de 32 mètres, une largeur de 11m et une élévation de 3.30m l’étable est éclairée seulement par huit baies de 1.25m de largeur par 0.50m de hauteur.

Le logement du vacher paraît très réduit, un homme seul ne parviendrait pas à gérer la Vacherie (soin, traite, nourrir, nettoyer).

Il est noté également l’importance de prévoir un auvent sur la façade ouest pour abriter les voitures pendant le chargement des bouteilles ainsi que l’insuffisance de largeur de plusieurs portes de communication dans ces services.

D’une manière générale les locaux réservés à ces divers usages sont estimés trop réduits pour les manipulations et les opérations diverses de la stérilisation du lait produit par une quarantaine de vaches nécessitant un nombre d’employés important.

Et il s’avère nécessaire pour parvenir à une surveillance de jour comme de nuit, d’engager un vacher marié, ainsi que des aménagements prévus pour sa famille d’où la nécessité de prévoir au premier deux petites chambres.

C’est ainsi que le 7 janvier 1905, Tony Garnier présente le projet d’agrandissement des services de la Vacherie[1], comprenant :

  • Deux chambres au premier étage pour le logement du vacher, dont la cuisine serait au rez-de-chaussée, ce qui laisserait une salle réservée aux vachers durant la journée ainsi que la salle de garde d’étable pour la nuit, toutes deux au RDC.
  • Création d’un second WC.
  • Agrandissement des vestiaires, lavabo en dehors du service de manipulation du lait, du dépôt de charbon, de l’étable d’isolement ; ainsi que du dépôt de fumier et de la fosse à purin.

Le projet d’agrandissement est évalué à 7000 francs environ.

Et une fois lancé, le préfet du Rhône va autoriser « en raison de l’urgence (…) la mise en adjudication publique des travaux, à l’exception de ceux concernant la fumisterie, la plomberie, l’électricité et la clôture qui feront l’objet d’une adjudication restreinte, et réduis à 15 jours le délai de publication et d’affichage concernant cette opération ». (AML 1140WP/100). Le caractère urgent relève bien évidemment de la fonction du bâtiment, à savoir la distribution gratuite de lait stérilisé aux crèches municipales de la ville.

Et c’est ainsi que le chantier va être lancé à la fin de l’année 1904.

5.2. Analyse rapport plan/ façade

En effet Tony Garnier a pensé une architecture fonctionnelle et pas à une esthétique, pas même pour la façade.

Fig. 18. Mise en parallèle du plan et d’élévation est, Tony Garnier, 1904-1905. Source : AML 1140WP/100 Modifiée par auteur.

Si l’ensemble des fonctions est aménagé dans un bâtiment d’un seul tenant, l’organisation interne se lit sur la façade. Rythmé selon la règle 2/3 – 1/3, l’espace central placé entre le service de stérilisation et l’étable se matérialise en façade par un avant corps décentralisé, qui rompt l’amplitude de l’élévation par la hauteur de son fronton. Cet élément sépare visuellement les deux fonctions principales du bâtiment, l’étable et l’espace de stérilisation.

En ce qui concerne la partie du service de stérilisation les fenêtres sont aménagées au niveau du bureau et de la zone de mise en bouteille. En revanche la disposition des machines de stérilisation ne permet pas une ouverture sur ce côté-là de la façade.

Les ouvertures sont donc réparties selon les fonctions présentes dans le bâtiment et non pas selon une composition de façade.

Fig. 19. Façade rythmée selon la règle de 1/3 -2/3. Source : AML 1140WP/100, modifiée par auteur.

En ce qui concerne la partie réservée à l’étable, deux portes permettent l’accès. La répartition des fenêtres est réalisée d’une manière symétrique par rapport à celles-ci. A noter cependant que cet espace est également marqué par la reprise du pignon à redents, dans des dimensions beaucoup plus modestes et placées au niveau des combles, marquant une sorte d’axe central de l’étable.

C’est comme si la vacherie avait été pensée en deux bâtiments distincts qui auraient ensuite été accolés l’un à l’autre. Mais cela n’empêche pas à la façade d’avoir une réelle unité dans sa simplicité

Malheureusement, malgré une construction bien pensée en termes de matériaux, de fonctionnalité, de simplicité, la Vacherie ne possède pas un espace suffisamment conséquent pour pouvoir s’agrandir.

5.3. Organisation interne de la Vacherie : plan et fonction

Ce plan permet de se rendre compte de la division du bâtiment en 3 espaces bien distincts, l’étable permettant d’accueillir les quarante vaches, le service de stérilisation pour le traitement du lait et entre ces deux parties un espace personnel aménagé pour le vacher ainsi qu’une partie pour la cuisine des animaux.

Le plan nous montre pareillement une réflexion bien soucieuse des différents circuits au sein de la vacherie. Il s’agit d’un circuit bien déterminé du lait qui commence de l’étable en finissant par la partie de stérilisation. Pour les entrées, il existe celles réservées au vacher et d’autres dédiées aux animaux.

Fig. 20. Répartition du plan sur 3 parties, les différents circuits et les différentes entrées dans le bâtiment. Source : AML 1140WP/100 Modifiée par auteur.

L’étable se distingue par la facilité de circulation. Les vaches sont en effet installées sur les côtés du bâtiment afin de laisser un espace large central, des espaces de circulations sont placés derrière les vaches également.

La superficie centrale se divise en deux parties. L’aménagement privé réservé au vacher, avec une chambre, une cuisine et des sanitaires ainsi que l’escalier permettant l’accès aux combles, et l’espace réservé à la préparation des repas des vaches ainsi qu’une remise ouverte sur l’extérieur. Dans les archives figurent les plans de la cuisine pour la préparation de la nourriture des vaches avec un fourneau destiné à la cuisine des animaux où on trouve le fourneau, le plan différentiel, le réservoir d’alimentation, et le tuyau de prise d’eau chaude.

La dernière salle correspond au service de stérilisation, elle comprend un vestiaire avec un lavabo ouvert sur l’espace de lavage des bouteilles attenant au lieu de stockage des bouteilles, lui-même placé à côté d’une pièce destinée au stockage de charbon.

En face de ces premiers aménagements on trouve l’espace de stérilisation et de mise en bouteille, et un bureau. Il est cependant intéressant de noter, que le couloir (en violet sur le plan se prolonge entre l’espace central et le service de stérilisation mais s’achève au niveau du bureau et du vestiaire.

Il n’y a alors plus d’espaces de circulation centrale entre le stockage et le lavage des bouteilles, la stérilisation du lait et la mise en bouteille. Le traitement du lait est ainsi beaucoup plus rapide, la circulation au sein d’espaces groupés étant beaucoup plus fluide.

5.4. La vacherie Municipale : Le chantier : aménagements, organisation et matériaux de construction

En effet, dès le mois de novembre les travaux débutent, dans un souci de temps, le gros œuvre ainsi qu’une partie du second œuvre sont soumis à l’adjudication au rabais comprenant huit lots(14) : terrassement, maçonnerie, pierre de taille / travaux de ciment/ charpente/ menuiserie/ serrurerie / ferblanterie, zinguerie/ platerie, peinture, vitrerie/ pavage.

Les travaux réservés en comprennent seulement trois : fumisterie/ plomberie, électricité/ clôture. En raison de la nature et fourniture des travaux à exécuter pour les articles énumérés ci-dessus, les entreprises sont données sur un simple programme par voie de concours qui porte à la fois sur des études, sur des propositions techniques et sur des prix consentis et présentés par les concurrents à l’architecte.

Pour les travaux réservés, l’administration tient en effet compte du prix mais également des différents avantages des projets proposés et donc le choix ne se porte pas forcément sur le programme le plus économique.

Une fois les entreprises chargées de la réalisation des travaux, la construction de la Vacherie débute par le terrassement avec le déblai des terres en pleine masse pour la cave et les fosses ainsi que le dressement des parois et des fonds.

Le béton de fondation est réalisé à partir d’un mélange naturel en gravier du Rhône et de sable. Au niveau du dosage on parle de 11 cm d’épaisseur à raison de 150 kg de chaux hydraulique par mètre cube de gravier.

Les murs sont montés en pisé et chaux hydraulique sur 40 cm d’épaisseur. La maçonnerie se compose de moellons et de mortier de chaux hydraulique. Les liaisons sont réalisées par la pose sous l’about des sommiers de pierre de Couzon.

En ce qui concerne les planchers, deux types différents sont mis en œuvre au sein de la Vacherie. Un plancher hourdi en mâchefer et chaux hydraulique dont l’espace entre les lambourdes est chargé de terre séchée et triée.

Le sol de toutes les dépendances de la Vacherie ainsi que tous les locaux du rez-de-chaussée sont en béton armé avec une Chape en ciment de Portland par-dessus, composé de poteaux à angles arrondis et de poutres à gorges et angles arrondis également (à l’exception du bureau et du logement du vacher). La dalle relève du système Hennebique.

Les travaux de ciment, compris dans le deuxième lot, comportent de nombreux éléments de la construction, notamment au niveau du dallage. Les crèches de l’étable sont donc en béton et ciment armé, puis enduit au ciment poli. Les soubassements sont réalisés en ciment sans saillis avec des chanfreins sur rives et ciselures parfaitement dressées sur la recoupe du mur. Les tableaux des ouvertures sont également réalisés en ciment avec des arrêtes arrondies qui forment un bandeau d’arrête sur la façade à fleur d’enduit.

Les redents des pignons sont recouverts de ciment.

La couverture pensée par Tony Garnier relève plutôt de l’architecture traditionnelle avec des tuiles plates de Bourgogne de couleur rouge. Le faîtage est quant à lui constitué de tuiles faîtières assemblées au mortier de chaux hydraulique. Les bandeaux de rives sont en terre cuite. Elle comprend également des lucarnes d’aération avec une couverture de bois de sapin.

Les enduits des murs de façade sont constitués de deux couches de mortier éparvéré, de chaux hydraulique badigeonnée à l’extérieur ainsi que sur la surface intérieure des murs, des cloisons et des embrasures.

Les murs des fosses sont eux enduits avec du ciment poli qui donne un rendu plus brillant et résistant.

La peinture se résume à un badigeon à la chaux de plusieurs couches au niveau des murs et sur la surface inférieure du plancher en béton armé.

Cependant, dès 1906, Tony Garnier réalise des travaux supplémentaires de peinture.

Il fait alors poser un badigeon à la chaux et à l’alun sur le maillage du plancher en ciment armé qui couvre l’étable. L’association de la chaux et de l’alun permet de donner plus de dureté à l’enduit tout en constituant un couchant imperméable, très utile pour l’étable.

Ce même badigeon est appliqué en trois couches du haut des murs de l’étable sur une hauteur de 2m.

Les murs de l’étable sont eux peints à l’huile sur trois couches sur une hauteur de 1.50m, ainsi que le bas des murs des services de stérilisation.

Le haut des murs du service de stérilisation est quant à lui peint à la colle au blanc de Troyes, une peinture de qualité qui a une très bonne tenue dans le temps.

Les ciments et mortiers sont brûlés à l’acide avant d’être peints, ce qui entraîne la création de pores dans le ciment et permet une meilleure fixation de la peinture.

L’espace intérieur possède une circulation verticale desservi par un escalier droit sans contremarches sur un limon sapin de 7 cm d’épaisseur, une crémaillère de 5cm d’épaisseur et des marches de peuplier de 4 cm d’épaisseur.

Différents styles de porte se retrouvent au sein de la vacherie.

Des portes en chêne en assemblage arasé et panneaux de 41 cm d’épaisseur. Le même style de porte est également présent mais en bois de sapin, avec panneau de 34 cm d’épaisseur.

Et puis des portes persiennes, bâtis et lames en chêne, soubassement à recouvrement bâtis chêne, les panneaux en sapin.

Le pavage de la cour est réalisé en demi-pavés d’échantillons en granit. Les bordures de rives sont en pavés de grands échantillons joints en ciment.

En ce qui concerne les éléments décoratifs de la construction, ils sont peu nombreux ; l’arrondi des encadrements des fenêtres, moulé dans le coffrage, la présence de pots en terre cuite placés sur les redents des pignons, ainsi que les éléments végétaux pensés par Tony Garnier, comme le lierre rampant sur les murs et une haie qui clôt l’espace situé derrière la vacherie.

5.5. Inspiration architecturale

Pour ce qui est des pignons à redents l’hypothèse la plus répandue est que Tony Garnier s’inspire de l’architecture rurale modeste et de ses pignons à pas de moineaux, qui permettent de limiter les infiltrations d’eau sur les murs porteurs par des petites pierres plates inclinées. En effet, l’architecture vernaculaire lyonnaise est marquée par l’usage des « pignons à lauzes » comme on l’appelle dans le Bugey, ou « mantelure » dans l’Ile Crémieu.

On trouve de tels pignons sur la rive droite du Rhône comme élément de décor des fours communaux de construction monumentale, bourgeoise et industrielle.

Pour ce qui de l’utilité initiale, la saillie du pignon empêche le toit de chaume traditionnel d’être « déplumé » lors de vents violents et permet l’accès à la toiture et sert surtout de coupe-feu. En architecture traditionnelle, les redents sont habituellement vêtus de pierres plates qui les protègent de la pluie et empêchent les infiltrations d’eau dans le mur porteur.

Ces pierres sont fréquemment penchées vers le bas, dans le but de laisser s’écouler l’eau de pluie.

 Les redents augmentent de taille et jouent un rôle esthétique dans l’évolution de l’architecture vers le monumental et le colossal.

Quant à l’architecture moderne, les redents ont été pareillement un élément de l’architecture en béton au début du XXe siècle. La possibilité de disposer un entablement en couronnement esthétique facilitant le banchage (généralement du béton de mâchefer) des dosserets.

Une seconde hypothèse verrait plutôt ici une adéquation de la mise en œuvre des matériaux et des formes. La forme des redents résulterait alors des branches de pisé de mâchefer.

Il deviendra de toute façon un élément récurent dans l’architecture de Tony Garnier déjà présent dans ses dessins avant même la Vacherie du Parc. En effet à son retour d’Italie, Tony Garnier ne se consacre pas immédiatement à la réalisation de la Vacherie municipale du Parc. Il travaille dans un premier temps sur un projet d’habitations situées entre le boulevard du Nord et le parc de la Tête d’Or(15). Les villas alors dessinées se distinguent par un style architectural éclectique, cependant on retrouve les pignons à redents qui marquent les façades des habitations.    

«…. Moins contradictoire qu’il n’y paraît avec ce que sera la cité industrielle, le lotissement en bordure du parc de la tête d’or nous invite à considérer dans cette même perspective l’esthétique de la vacherie, construite un an plus tard(16)

Les villas du parc conçues par Tony Garnier révèlent un style éclectique. Ces villas se caractérisent par des toitures en pentes habillées en tuile rouge, une axialité classique dominante, des tourelles coiffées d’une couverture plus ou moins saillante, et les pignons à redents pour gravir d’un plan à un autre, en façade.

Fig. 21. Pignons à redents d’une maison de Brégnier-Cordon, dans le Bugey. Source: Wikipédia

Fig. 22. Projet d’habitation en bordure du parc de la tête d’or, Les villas du parc : mise en valeur des redents, par auteur. Source : Collectif, Tony Garnier : l’œuvre complète, 1989, p.52-53.

5.6. L’étable d’isolement

Un espace situé derrière la Vacherie, est aménagé en cour en terre qui sert de zone de circulation pour les différents véhicules qui viennent s’approvisionner en lait, et les diverses livraisons (charbon, bouteille en verre…). Mais en 1906, une étable d’isolement va y être construite(17), à l’origine prévue dans le projet comme un aménagement futur. L’intérêt d’un tel aménagement repose sans aucun doute sur le souci d’hygiénisme, lié aux maladies bovines.

En effet chaque nouvelle vache est choisie par le vétérinaire en charge de la Vacherie, à son arrivée, l’animal est mis en quarantaine afin de prévenir toute contamination possible du cheptel si la vache est malade. Ainsi que pour effectuer la tuberculination, empêchant ainsi toute transmission à l’homme.

L’étable d’isolement se présente sous la forme d’un petit bâtiment, reprenant l’architecture de la Vacherie, avec le décor des redents sur lesquels reposent des vases, de même couleur (blanc laiteux).

L’organisation interne est plutôt simple et comporte deux parties : une fosse à fumier et un espace d’isolement.

La coupe est-ouest montre les mangeoires et la charpente en bois en double pente asymétrique.

Le devis de cet aménagement s’élève à 4973.89 francs.

C’est par l’étable d’isolement que s’achève la construction de la Vacherie. Et c’est donc le 13 Juillet 1907, que Tony Garnier invite le maire pour procéder à la réception définitive des bâtiments de la vacherie du parc de la Tête d’Or.

Fig. 23. Localisation du bâtiment d’isolement, délimitation de 5 mètre autour dudit bâtiment. Source : AML 1140WP/100.

Fig. 24. Coupe est-ouest, Tony Garnier, 15 janvier 1906. Mise en évidence des redents et de la charpente eu double pente asymétrique. Source : AML 1140WP/100 Modifiée par auteur.

5.7. L’aménagement des combles

La Vacherie municipale a été pensée par Tony Garnier de façon à pouvoir répondre à des besoins futurs et c’est ainsi qu’en 1912, un projet d’installation de trois logements de vachers, deux dans le comble nord de la vacherie et un au-dessus de l’étable d’isolement, voit le jour (AML 957WP/23.).

Les logements pensés par Tony Garnier sont aménagés dans le comble de la Vacherie et se composent respectivement d’une cuisine et de 2 chambres.

L’éclairage des pièces aménagées contre le pignon nord se fait naturellement par les ouvertures déjà existantes dans ce pignon. L’ouverture centrale éclaire quant à elle l’espace régnant entre les deux logements. Les quatre autres pièces sont alors éclairées par des lucarnes aménagées dans la toiture. En ce qui concerne le sol, celui alors présent avant aménagement est en ciment bouchardé, il aurait pu être conservé.

Fig. 25. Deux logements dans le comble nord, Création des lucarnes, Tony Garnier, 29 février 1912. Source : AML 957 WP/23. Modifié par auteur.

Quant au logement au-dessus de l’isolement, il se compose de 2 pièces : une cuisine et une chambre. L’accès sera rendu possible par la création d’un escalier en bois hors œuvre adossé au mur pignon nord et par l’ouverture déjà existante, dont le linteau sera toutefois surélevé.

Fig. 26. Logement au-dessus de l’isolement, Tony Garnier, 1912. Source : AML 2S090.

Le projet est approuvé le 6 mai 1912, et les travaux exécutés par les entrepreneurs adjudicataires de l’entretien du bâtiment communal.

Le coût total des travaux s’élève finalement à 7 780.80 francs.

L’utilisation de matériaux économiques, la forte présence du béton ainsi que les successifs badigeons à la chaux appliquée sur la presque totalité des surfaces en font un bâtiment durable, solide avec des surfaces facilement nettoyables. Ainsi le bâtiment s’inscrit totalement dans le courant hygiéniste du XXe siècle.

Pareillement, l’organisation interne du bâtiment rend compte de ce souci de l’hygiène et de la recherche de fonctionnalité par la simplicité.

6. La vacherie dans le temps

Afin de pourvoir répondre à la forte demande en lait stérilisé, la Ville va commencer à réfléchir à un transfert du service de production-distribution du Parc de la Tête d’Or.

6.1. Transfert des services de la Vacherie Municipale

En effet en 1914, la nécessité du transfert et de l’agrandissement de la vacherie municipale amène la Ville à réfléchir à transférer ses services.

En 1918, le maire de la Ville, Édouard Herriot, prend la décision de fonder une école d’Agriculture à Cibeins.

Cette école avait pour but, dans un premier temps, de freiner l’exode rural de l’après-guerre en essayant de redonner à la jeunesse d’origine rurale, le goût pour le travail de la terre (viticulture, élevage, agricultures…)

Dans un aspect beaucoup plus social, il était également prévu d’accueillir des orphelins (pupilles de la Nation), des enfants issus de familles nombreuses.

Les services présents au sein de la Vacherie y seront transférés. Il est intéressant cependant de noter que la vacherie sera alors différenciée de la laiterie puisque deux espaces bien distincts seront aménagés. La Vacherie faisant alors référence au lieu de vie des vaches, la laiterie d’espace de traitement du lait.

Fig. 27. Château de Cibeins ; lycée agricole d’Etat Edouard Herriot, – Vue d’ensemble, Refflé Jean-Marie. Source : BML P0546 S 3167.

Fig. 28. Etable de l’école d’agriculture de Cibeins : traitement du lait, 1924. Source : BML P0546 S 1613.

La Vacherie de l’école municipale d’agriculture de Cibeins est construite entre 1924 et 1926. Le bâtiment est réalisé en béton de chaux lourde, enduit de ciment, d’un plancher métallique pour étable comprenant 10 colonnes en fonte unie.

Malgré ce transfert, la Vacherie Municipale de la Tête d’Or ne va pas être détruite mais rapidement revêtira d’autres fonctions.

6.2. Évolution du bâtiment : fonctions et aménagements

Dès le transfert des services, la Vacherie du parc va se voir réaménager pour répondre à d’autres besoins.

En effet, si à l’origine, le jardin zoologique pensé par Denis Bülher devait être constitué principalement d’une ferme à vocation pédagogique, petit à petit un changement d’orientation va s’opérer et des animaux exotiques vont faire leur apparition.

C’est ainsi qu’en 1861 le parc accueille les antilopes, puis les ours et les loups en 1865. En conséquence de quoi, les aménagements se multiplient.

C’est ainsi que la Vacherie de Tony Garnier va être réutilisée pour accueillir des panthères, des lions et même un éléphant. Deux cages sont alors créées sur la façade Est du bâtiment ainsi qu’un autre espace accolé à la façade sud. La Vacherie perd alors son nom, on parle alors de la fauverie du Parc de la Tête d’Or.

Le dernier aménagement affectant la Vacherie est celui de l’ourserie en 1991-1993. Un bâtiment d’une surface de 160m² comprenant : deux tanières et deux boxes d’isolement, un box de quarantaine et trois pièces de services

Le choix est pris de placer l’ourserie à côté de l’ancienne vacherie sur l’emplacement de l’ancien enclos de l’éléphant, un choix justifié par une surface suffisante et par une implantation qui n’exige pas d’abattage d’arbres.

Le projet prévoit d’adosser l’aire extérieure des ours contre le pignon de l’ancienne vacherie-fauverie pour recréer une unité architecturale et rester en cohérence avec l’évolution fonctionnelle du bâtiment de Tony Garnier. Cet adossement a le mérite de restaurer le mur pignon sud.

Fig. 29. Parcellaire, 1.500ème, série 4s, 1926, aménagements pour panthères et éléphant). Source : Reproduit et modifié par auteur.

Fig. 30. Parcellaire,1.500ème, série 4s, 1960, lionne, panthère, éléphant ; aménagement du jeu de boules. Source : Reproduit et modifié par auteur.

Fig. 31. Parcellaire, 1.500ème, série 4s, 1960, lionne, panthère, gazelles, jeux de boules.Source : Reproduit et modifié par auteur.

Fig. 32. Plan de l’ourserie, M. Charlet, 1992. Source : AML 2385WP/14

L’aménagement interne a également bien changé, le parc ne nécessitant plus aucun service de production laitière, le bâtiment sert petit à petit de débarras, de réserve pour la nourriture des animaux, et d’abris pour les fauves dont les cages ont été aménagées sur la façade.

6.3. La vacherie aujourd’hui

La première visite de la vacherie et de son intérieur nous a permis d’évaluer l’état actuel du bâtiment et de sa fonction. On peut diviser ces fonctions sur trois parties.

Fig. 33. Organisation actuelle de la vacherie. Source : Auteur.

Première partie dédiée à l’administration et qui contient un espace de stockage, un bureau, un vestiaire pour femme et un vestiaire pour homme, une cuisine et des sanitaires. On accède à cette partie grâce à une porte sur la façade Sud. Quant à la salle de réunion de cette partie administrative, elle est accessible par une porte sur la façade ouest.

La deuxième partie est pratiquement une partie abandonnée qui n’est destinée à aucune fonction, anciennement dédiée à la chambre du vacher et sa cuisine, la cuisine pour les animaux et un dépôt de charrettes. Cette partie contient une circulation verticale (les anciens escaliers en sapin) qui accèdent à l’étage et des escaliers en béton coulé qui desservent le sous-sol (totalement abandonné présentant des risques.)

La troisième partie du bâtiment est dédiée actuellement au stockage des matériaux et du matériel.

En effet, les anciennes cages des fauveries servent de stockage de caisses de transport, des filets et des grillages. On remarque dans cette partie un système de chauffage. Des produits chimiques prenaient place dans l’ancien abri de l’éléphant qui occupe la partie sud du bâtiment. Quant à la façade Sud, actuellement la façade où on a installé l’ours, on remarque la trace de la porte, l’espace était réservé à l’éléphant offert par l’empereur de l’Indochine au maire Herriot.

L’étage est totalement abandonné, il servait à stocker le foin mais une décision a été prise de ne plus le faire à cause des incendies et qu’il fallait préserver le bâtiment ayant une valeur patrimoniale.

Conclusion

La Vacherie municipale construite au sein du parc de la Tête d’Or est sans conteste un projet social qui se veut modèle. L’installation d’un tel service au sein du parc, situé à proximité de la ville, permet un net avantage quant à la qualité du lait distribué, qui n’est alors transporté que sur de courtes distances, ce qui permet une moins grande réflexion sur une meilleure conservation à une époque où la majorité des étables a été transférée à l’extérieur de la ville pour des raisons d’hygiène.  Mais l’étude des services de distribution du lait antérieure à la Vacherie rend surtout compte de l’intérêt économique de cette réalisation, là où le projet de la Ville de 1904 s’inscrit dans une volonté de distribution d’un lait sain et gratuit aux enfants nécessiteux.

C’est dans cette réflexion que la Ville de Lyon va décider de ne plus fournir du lait acheté à des producteurs, aux crèches municipales, mais de construire une Vacherie au sein du parc de la Tête d’Or qui permettrait le contrôle complet de la production, de la stérilisation et de la distribution du lait, afin de fournir un lait le plus sain possible aux enfants nécessiteux.

La construction se veut donc idéale, économique, hygiénique et fonctionnelle.

Tony Garnier dresse alors le projet de la vacherie, une construction devant accueillir une quarantaine de vache, un espace privé pour le personnel ainsi qu’un espace pour le service de stérilisation. Il s’emploi dès lors à réaliser un bâtiment dont la simplification architecturale répond à la fonction et s’intègre parfaitement dans le cadre naturel du parc.

Une construction dont une majeure partie est réalisée à partir du béton dont les propriétés en font un matériau économique, solide et durable. L’organisation interne du bâtiment permet une réelle division des espaces qui se perçoit jusque dans l’organisation de la façade avec l’avant corps décentralisé et son haut pignon à redents, qui marque la séparation de l’étable et du service de stérilisation. Malheureusement il s’agit d’un projet dont la réflexion n’a pas été assez poussée et la Ville est rapidement dépassée par la demande croissante de lait stérilisé pour les enfants nécessiteux.

Le bâtiment de la Vacherie se voit donc affecté de nouvelles fonctions après le transfert de ses services. Rapidement, deux cages sont aménagées sur la façade est du bâtiment afin d’accueillir des fauves, et un espace est également aménagé, accolé à la façade sud afin d’accueillir divers animaux au fil du temps, éléphant, gazelles, ours…  

Aujourd’hui la vacherie appartient à la direction du parc de la Tête d’Or. L’état extérieur n’est pas bon, les traces du temps apparaissent sur la façade, avec la dégradation des matériaux, certaines ouvertures sont murées.

Cependant la Vacherie municipale reste un projet important. De point de vue de l’architecture, elle marque le début de la carrière de Tony Garnier et il serait intéressant d’approfondir le choix des matériaux ainsi que les techniques de construction afin de les mettre en perspective avec toutes ses réalisations postérieures et de tracer l’évolution au sein de son œuvre architecturale.

Bibliographie

Archives municipales de Lyon
Ecole municipale d’agriculture Cibeins, 1920-1929. (482 WP 4).
Parc de la Tête d’Or, construction d’une vacherie et incendie, 1861-1905. (485 WP 013 7).
Installation de la vacherie municipale : acquisition de la propriété départementale de Tourvielle, 1913-1916. (923 WP 346 2).
Vacherie municipale : installation, acquisition de la propriété Tourvielle, 1913-1918. (945 WP 038 2).
Service des cultures et de l’observatoire météorologique : transfert dans les bâtiments de la vacherie municipale, 1913. (945 WP 063 10).
Voirie urbaine, parc de la Tête d’Or, 1902-1928. (957 WP 023).
Parc de la Tête d’Or. Registre n° 56, volume n° 2, dossiers n° 7 à 14 9. Vacherie. Projets de construction de Bühler et Ruchet, incendie : devis estimatif, plan, rapport, correspondance, 1858-1871. (1923 W 1).
Vacherie du Parc : réception des travaux, 1907. (1124 WP 011 2).
Vacherie du parc, construction du bâtiment, 1902-1907. (1140 WP 100).
Photographies de la Ville de Lyon et de ses services, 1990-2005. (1946WP/3).
Parc de la Tête d’or. Construction d’une ourserie, 1991-1993. (2385WP/14).
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Plan du parc de la Tête d’Or, Claude Joseph de Dignoscyo, 1860. (2 S 0121).
Plan du parc de la Tête d’Or, Claude Joseph de Dignoscyo, 1870. (2 S 0227).
Plan du parc de la Tête d’Or. Exposition internationale, Claude Joseph de Dignoscyo. Tirage de 1877, 1863. (3S0012).
Vacherie et services de stérilisation du lait. Parc de la Tête d’Or, Planche gravée extraite de la revue : Ciment armé, date inconnue : 20ème siècle. (2 S 01204 2).
Vacherie et services de stérilisation du lait. Parc de la Tête d’Or, Tony Garnier, 1905. 82 (3S1204).
Vacherie, logement au-dessus de l’isolement, 1912. (2 S 00900).
Vacherie municipale à Lyon, par Tony Garnier, extrait de : La Construction moderne, sous la dir. de F. Planat, Paris, XXIe année, n° 23, 1906. (3 SAT 00076).

Bibliothèque Nationale de France (BNF)
Léo de Bernard, La Ferme impériale de Vincennes, Le Monde illustré, 4 juillet 1866, BNF Gallica, p. 219.

Etudes
Arnaud.J, 1928, L’approvisionnement de Lyon en lait. Les fraudes par mouillage et écrémage. Thèse de Doctorat Vétérinaire.
Bajard Aude, 1993, Monographie du Parc de la Tête d’Or, 1856-1945, Lyon.
Bauder, 1934, La pasteurisation des laits de consommation, thèse de doctorat vétérinaire.
BouchexBlandine, 2015, Le Jardin botanique de Lyon, apports et pertinence des sources imprimées lyonnaises, Lyon.
Brodiez-Dolino Axelle, 2013, Combattre la pauvreté, Vulnérabilités sociales et sanitaires de 1880 à nos jours, CNRS édition, Paris.
Chomart Michel, 1990, Tony Garnier à Lyon, Amis de Tony Garnier, Imprimerie 42120, le Coteau.
Collectif, 1992, Un parc d’exception créé par Denis Bühler : études, nouvelle & documents, C.A.U.E, Lyon.
Collectif, 1989,Tony Garnier : l’œuvre complète, Centre Georges Pompidou, Paris.
Delfante Charles et Pelletier Jean, 2009, Plans de Lyon 1350-2015. Portraits d’une ville, éd. Stéphane Bachès.
Fanica Pierre-Olivier, 2008, Le lait, la vache et le citadin. Du XVIIe au XXe siècle, Éditions Quæ, Paris.
Garnier Tony, 1921, Les grands travaux de la Ville de Lyon. (Études, projets et travaux exécutés (hôpitaux, écoles, postes, abattoirs, habitations en commun, stade, etc.), Préface de M. Herriot, éd. Massin, Paris.
Jullian René, 1989, Tony Garnier : constructeur et utopiste, éd. Philippe Sers,
Piessat Louis, 1988, Tony Garnier : 1869-1948, Presses Universitaires de Lyon,Lyon.
Volerin Alain, 2012, Tony Garnier et Lyon. Aux Origines de la Modernité, éd. Mémoire des Arts.

Notes

(1) Cet article est l’aboutissement d’un mémoire en binôme dans le cadre du Master 2 en histoire de l’art, parcours « Urbanisme, architecture et techniques de constructions en cités historiques ». L’étude s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large, un projet collectif mené sur deux ans par les étudiants en master 2, sur l’œuvre de Tony Garnier. La finalité devrait permettre d’apporter à la recherche de nouvelles connaissances sur cet architecte, de le faire connaître à un plus large public, de recontextualiser son œuvre dans la naissance de la modernité en France avant 1914, puis au sein de l’architecture européenne de l’entre-deux guerres, de mettre en avant les liens entre ses conceptions urbanistiques, architecturales et sociales et enfin d’inscrire ses matériaux et techniques de construction au sein de l’histoire du béton armé.
(2) Aude Bajard,1993, p. 123-133.
(3) Charles Casimir Toussaint Porcher (1872-1933), professeur de physique, chimie et pharmacie, puis directeur de l’école vétérinaire de Lyon. Il sera par la suite promu inspecteur général des écoles vétérinaires.
(4) Charles Casimir Toussaint Porcher, BIRBIS G., MOREL, 1916.
(5) R. Baudet, 1934, p. 17.
(6) Nicolas Appert (Châlons-sur-Marne 1749 ; Massy 1841), inventeur français, il est le premier à mettre au point une méthode de conservation des aliments en les stérilisant par la chaleur dans des contenants hermétiques et stériles (bouteilles en verre puis boîtes métalliques en fer blanc).
(7) Pierre-Olivier Fanica, 2008, p. 277.
(8) Axelle Brodiez-Dolino, 2013.
(9) Note anonyme sur le mode de distribution du lait stérilisé   (AML 1140WP/100).
(10) Charles Casimir Toussaint Porcher, 1916, p. 67. 
(11) Mairie de Lyon, communiqué à Monsieur le Directeur de la Vacherie pour renseignement, Lyon 1908, Pour le maire de Lyon : l’adjoint délégué (AML 1140WP/100). 
(12) Ville de Lyon, Bureau Municipal d’hygiène, Le Directeur à Monsieur le Maire de Lyon, février 1911 (AML 1140WP/100).
(13) Parc de la Tête D’or. Construction d’un bâtiment pour étable et service de la stérilisation du lait. L’architecte divisionnaire de la 3ème circonscription (A. Duret) à Monsieur le Maire de Lyon, 1904(AML 1140WP/100).  
(14) Cahier des charges particulières, Tony Garnier, 2 novembre 1904   (AML 1140WP/100).
(15) Collectif, 1989, p. 52-53.
(16) Collectif, 1989, p. 52-53.
(17) Ville de Lyon, construction d’une vacherie et des services de la stérilisation du lait, parc de la Tête d’Or. Bâtiment d’isolement, Tony Garnier, 15 janvier 1906   (AML 1140WP/100).

Pour citer cet article

Sana Smadah et Clémentine Enrenaz,« La vacherie du Parc de la Tête d’or, 1904. La première construction de l’architecte Tony », Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’architecture maghrébines [En ligne], n°8, année 2019.
URL : http://www.al-sabil.tn/?p=6280

Auteur

* Architecte, doctorante à l’Université de Tunis. Laboratoire d’Archéologie et d’architecture Maghrébines – Université de la Manouba.
** Historienne de l’art, médiatrice sur le site des Grottes de Saulges (Mayenne).


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