10 |2020
Propreté, hygiène et espace public à Tunis à travers les usages et la réglementation, 1858-1914.
Leïla Ammar (*),
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Abstract
Cleanliness, hygiene and public space in Tunis through uses and regulations, 1858-1914.
During the second half of the 19th century, the urban space of Tunis was plagued by many health and hygiene problems and at the same time was the subject of renewal wills. The City council (1858), then the council of hygiene and public health(1873) enacted regulations based on the concept of general interest and public utility which they had difficulty to apply. It will take two decades for cleanliness and hygiene, previously a private matter which was the responsibility of the inhabitants, to come under the control of the municipal institution. With the protectorate, a new set of rules was implemented. At the urban level, the roadway regulation (règlement de voirie) of 1889 and the sanitary regulation of 1903 ended up giving body to a new vision of remediated, arranged, aligned, open and healthy urban space. This regulation coexisted with previous legal practices and uses until the end of 19th century. It is only at the dawn of the 20th century that the old uses disappear in favor of new rules and practices for the public road promotion. 1914 was a turning point in the urban management and the expansion of the capital. It also marked the primacy of the“ European city” .and the relegation of the old city to the status of a “district”
الملخص
النظافة و الصحة و الفضاء العام في تونس من خلال الممارسات و التراتيب 1858- 1914
كان الحيز الحضري لمدينة تونس يعاني خلال النصف الثاني من القرن التاسع عشر من عديد المشاكل المتعلقة بالظروف الصحية و برزت في نفس الوقت إرادة لتجديده فأصدر المجلس البلدي(1858) ثم مجلس حفظ الصحة والنظافة العمومية (1873) تنظيمات تستند إلى مفهومي المصلحة العامة والمنفعة العامة كان من الصعب تطبيقها في أول الأمرسيستغرق الأمر عقدين من الزمن حتى تغدو النظافة والظروف الصحية مسألة عمومية تحت سيطرة و مراقبة المِؤسسة البلدية بعد أن كانت شأنا خاصا بالسكان.
تم وضع ترسانة تنظيمية جديدة في زمن الحماية. على المستوى العمراني، ساهمت تراتيب الطرقات لسنة 1889 و التراتيب الصحية لسنة1903 في بلورة رؤية جديد لحيز حضري معقم و منضم و مصطف ومفتوح و صحي,أعتمدت هذه التنظيمات حتى نهاية القرن التاسع عشر في نفس الوقت الذي تواصل فيه العمل بالأعراف السابقة من ممارسات قانونية و عادات سكنية.
في فجر القرن العشرين إختفت العادات القديمة لصالح القواعد و الممارسات الجديدة التي عززت الخيار العام فمثل بذلك عام 1914 نقطة تحول في توسع المدينة و إدارته العمرانية كما أنه إقترن بإعطاء أولوية ” للمدينة الأوروبية” مقابل إقصاء المدينة القديمة إلى مرتبة “حي” بمدينة تونس,
Entrée d’index ↑ |
Mots-clés : Propreté, hygiène, salubrité, usages, règlements, Tunis, voie publique, espace public, institutions municipales.
Keywords: Cleanliness, hygiene, uses, regulations, Tunis, public road, public space, municipal institutions.
الكلمات المفاتيح: النظافة، الظروف الصحية، الممارسات ، التنظيمات ، تونس ، الطرق العامة ، الأماكن العامة ، المؤسسات البلدية
Plan ↑ |
Introduction
1.De la défense de la salubrité publique à la reconnaissance d’une « utilité publique », 1858-1872
2.Un nouveau règlement sur la propreté et la salubrité publique ( 1865-1870)
3.Le règlement sanitaire de 1873 et la création du conseil d’hygiène et de salubrité publique (majlis hafdh al-sahha wa al-nadhafa al-‘umumiyya)
4.Les nouveaux espaces publics et l’hygiène publique, une mise en ordre de la rue (1883-1889)
Conclusion
Texte intégral ↑ |
Le XIXe siècle est dans les grandes capitales européennes mais aussi au Moyen-Orient et au Maghreb, celui de l’invention des techniques nouvelles en matière d’aménagement urbain et d’administration des villes. La croissance démographique, la surdensité des centres, l’essor des banlieues ont propulsé les thèmes de l’hygiène et de la salubrité publique et impulsé le développement des techniques d’assainissement, de salubrité et d’équipement. La nouvelle question urbaine s’impose et se pose dans des territoires perçus comme incontrôlables au plan social, économique et technique. Territoires qu’il s’agit de rendre aptes à une conception rationnelle, dotés des infrastructures nécessaires et policés par des règlements adéquats. Embellissement, hygiène, assainissement, percées, alignements, lotissements sont à l’ordre du jour pour assurer la transformation des villes et le progrès social. Istanbul, Paris, Le Caire, Alger engagent à ce moment des réformes administratives et urbaines en vue de moderniser et d’asseoir leur statut de capitales. Embellissement, hygiène et assainissement s’inscrivent dans les fondements de la pensée hygiéniste du XIXe siècle qui traque les miasmes et les maux de la ville industrielle insalubre, le confus, l’irrégulier, le caché, pour lui substituer un ordre rationnel ouvert, aéré, accessible, contrôlable, quantifiable.
Un urbanisme de tracés rectilignes en réseau, d’avenues, de boulevards, de voies publiques est ainsi mis en œuvre à côté d’un système de parcs, promenades et plantations urbaines.
Lorsque Tunis se dote d’une municipalité (baladiyya) en 1858, son centre urbain (madina) et ses deux faubourgs (rabadhayn) se caractérisent par l’état de dégradation du bâti et par le manque de salubrité des rues peu ou pas entretenues. Au même moment les prémisses d’un renouvellement urbain et l’idée de création d’une ville neuve se font jour. Prenant acte de la croissance du quartier franc intra et extra muros, les autorités beylicales manifestent de l’intérêt pour la mise en valeur des espaces vierges et marécageux, situés de part et d’autre de la promenade de la Marine afin de rentabiliser de nouveaux projets fonciers. En parallèle elles entreprennent des grands chantiers de travaux publics dont l’adduction des eaux du mont Zaghouan vers la capitale (1859-1862). Malgré une naissance difficile et des moyens dérisoires, le conseil municipal tente de prendre en charge la description, la quantification et la gestion de la ville en édictant dès 1858, les premiers règlements ayant trait aussi bien à la propreté et à l’hygiène, à l’ordre et à la sécurité, qu’à la voirie et à la construction.
L’idée d’une planification coordonnant les initiatives et contrôlant les problèmes urbains à travers de nouvelles procédures et de nouveaux instruments techniques tend ainsi à s’imposer face notamment à la propagation des épidémies (problème de l’eau potable et insuffisance des égouts). Le conseil est confronté au défi de faire accepter aux habitants de Tunis, toutes nationalités confondues, une « hygiène publique » ( hafdh al-sahha al-‘umumiyya) , principe martelé par le conseil sanitaire depuis 1835. L’expérience des quarantaines par quartiers lors des épidémies et les témoignages des médecins sur l’état de vétusté et de saleté des rues de la ville a fait prendre conscience aux responsables de la nécessité de nettoyer les rues et les impasses et de pourvoir les habitations en systèmes d’aération. L’instance municipale tente donc de faire de l’hygiène qui restait une affaire largement privée, une question d’intérêt général ( al-maslaha al-‘amma).
Trois institutions à vocation technique ont été appelées à réguler l’ordre urbain de Tunis dans le cadre des tanzimat de la deuxième moitié du XIXe siècle : le conseil de la Ville ( al-majlis al-baladi) ( 1858), le conseil de police ( majlis al-dhabtiyya) (1860) et le conseil de santé ( al-majlis al-sihhi) créé dès 1835 mais qui devient en 1873 le conseil d’hygiène et de salubrité publique ( majlis hafdh al-sahha wa al-nadhafa al-‘umumiyya)(1)
Les développements qui suivent s’intéressent dans le cas de Tunis aux principes de défense de la salubrité publique, de la propreté et de l’hygiène et à leur mise en oeuvre dans l’espace public à travers les usages et la règlementation. Saisies à partir de différentes temporalités de 1858 à 1914 les grandes étapes qui ont conduit à l’affirmation de l’hygiène, de la propreté et de la modernisation de la voie publique sont ici évoquées. Elles se trouvent au centre des préoccupations sur l’ « utilité publique » et sur la réorganisation ou l’occupation et l’usage des voies notamment les « rues passantes et communicantes » (sikkak wa turuqat mashura) . Enfin l’exemple du quartier juif de la Hara illustre les volontés d’assainissement dans la capitale par l’idée de percer le tissu insalubre de ruelles et d’impasses denses, projet inabouti mais qui perdurera et se renouvellera dans les décennies postérieures.
Fig. 1 : Tunis, La ville ancienne et ses deux faubourgs, d’après le plan « Colin ».
Source: Atlas Universel,1860.
1. De la défense de la salubrité publique à la reconnaissance d’une « utilité publique », 1858-1872
Tunis à la fin des années 1850, s’étend sur 308 hectares et compte 90.000 habitants. La ville et ses deux faubourgs s’ouvrent de plus en plus à de nouveaux résidents étrangers ou aux ruraux; le nombre de fondouks augmente ainsi que les constructions en étage (‘uluw) ou d’entrepôts destinés à la location. Le mouvement de location de maisons, boutiques et entrepôts par des européens s’accentue et ces lieux se transforment parfois en tavernes ou en points de vente d’alcool dont le public est aussi musulman. Les hammams en revanche sont en voie de disparition. Répondant à la pression démographique, le mouvement de construction de maisons neuves et la rénovation d’un habitat dégradé et vétuste suscite l’exploitation de la rente foncière par les notables de la ville alors que les remparts de Tunis sont en cours de démolition.(2)Tunis est sale , délabré, en de nombreux quartiers existent des points d’amoncellement d’ordures, les habitants déversent leurs ordures devant les maisons dans les rues et les impasses, les fontaines , les conduites et exutoires souterrains des égouts ne sont pas nettoyés, il n’est pas rare d’y trouver des cadavres d’animaux en putréfaction et autres détritus .
Fig. 2 : Plan des places dans la ville ancienne de Tunis..
Source: N. Laroui, 2020.
Les rues passantes et communicantes sont encombrées et la densité des colporteurs, chalands, charrettes, arabas, s’associe aux vendeurs assis et à la cohue pour porter atteinte à la circulation. Constructions attelages et ordures rétrécissent l’espace où on peut circuler, les marchés et les places nécessaires au rassemblement et à la circulation des habitants connaissent une affluence rare et créent des confusions et des désordres(3).
Le conseil municipal faisant siennes les idées nouvelles de salubrité publique (nadhafa ‘umumiyya) et d’intérêt général (manfa’a al-‘amma) décrète le 30 août 1858 un « règlement imposé par l’utilité publique dans la régence et dont les bienfaits reviennent aux habitants d’Al-Hadhira »(4) .Ce texte en 24 articles englobe outre l’hygiène, les questions liées à la restauration et à l’entretien du cadre bâti, à l’aménagement et à l’entretien des rues ainsi qu’aux règles sur les constructions nouvelles. La circulation, le nettoiement, la sécurité et l’aménagement sont envisagés dans une série d’articles (15 à 19). Le règlement d’avril 1860 sur la propreté des rues vient compléter celui du 30 août 1858 en ce domaine. Il rappelle d’emblée le principe général d’hygiène, organise concrètement les services de nettoiement, des égouts et du contrôle des denrées alimentaires en ville. Les responsables de l’application de ces principes sont le shaykh al-madina et les deux cheikhs des faubourgs ;les chefs de quartier (muharrikin al-humat) , l’amin chargé du ravitaillement et les trois agents placés sous ses ordres ; l’ingénieur (muhandis) chargé de l’aménagement (takhtit) et du dessin (rasm) des rues et des places et les agents municipaux (hurras) qui ont en charge la propreté des rues , la réalisation et l’entretien des égouts, l’entretien, la construction et le pavage des rues. Ils ont aussi pour mission d’organiser le ramassage et le transport des ordures hors la ville , de régler la circulation dans les rues passantes et de contrôler les denrées alimentaires du point de vue de la qualité , du prix, et de la salubrité. A côté de la figure de l’ingénieur municipal en tant qu’expert technique ayant sous ses ordres les agents chargés de faire respecter le règlement se trouve le médecin municipal, qui établit la liste des habitations non conforme à l’hygiène publique et contrôle avec l’aide des agents municipaux, les denrées alimentaires vendues dans la capitale. Enfin avec le chef de la police, ce médecin doit relever les cas de maladie de nature épidémique et établir alors des quarantaines par secteur et par quartier.
2.Un nouveau règlement sur la propreté et la salubrité publique ( 1865-1870)
Les Archives nationales de Tunisie conservent un autre texte visant à assainir la capitale qui pourrait avoir été promulgué par Muhammad al-Sadiq Bey entre 1865 et 1870. Ce document vient préciser les dispositions du « Nouveau règlement pour le service de la propreté des rues d’al-Hadhira » (1860) et est antérieur au décret du 2 juin 1872(5) portant création d’une administration pour le nettoyage de Tunis. Durant ces années la régence a subi la plus grave épidémie de choléra (1867) de son histoire suivie d’une épidémie de typhus (1868-1869). Il est urgent d’organiser la surveillance des quartiers de la capitale pour limiter la propagation de la contagion et d’élargir la distribution d’eau potable aux abreuvoirs et bornes -fontaines.
Ce règlement de salubrité(6)est important dans la mesure où il fait référence à la mise en place par la municipalité d’associations pour la propreté (jam’iyyat al-nadhafa) et d’un corps de gardes (hurras) qui contrôle l’application des règles. Dans chaque quartier est constituée une association dirigée par un raïs responsable du nettoiement et de l’enlèvement des ordures dans les rues du dit quartier. Ces responsables de la propreté se réunissent sous l’autorité du raïs al-baladiyya pour délibérer des affaires relevant de leurs compétences. Les habitants sont également tenus pour responsables puisqu’ils ont l’obligation de sortir chaque jour leurs ordures avant 10 heures du matin et de les placer dans un endroit où passent les balayeurs municipaux. Interdiction leur est faite de déposer déchets et ordures dans les rues publiques et privées (at-turuqat al-‘amma wa al-khassa) , après 10 heure du matin. De même les vendeurs ambulants de fruits et de légumes et les commerçants, tenant boutique sur les rues doivent rassembler leurs ordures là où les balayeurs municipaux, peuvent les rassembler avec l’ensemble des autres ordures. Ces balayeurs doivent nettoyer les rues et les quartiers gérés par les associations au moins une fois toutes les vingt -quatre heures ; mais chaque quartier dispose aussi de balayeurs ou d’individus responsables de la propreté et de l’enlèvement des ordures.
A travers cette règlementation, un nouveau rapport au temps s’instaure dans la ville, qui tente de régler méticuleusement et de surveiller les pratiques et les usages quotidiens des voies publiques et privées. Cependant c’est encore l’organisation traditionnelle en quartiers gérés par les chefs de quartier, qui est sollicitée pour la mise en place des associations de propreté.
Fig. 3 : Tunis, faubourg sud, rue Sidi al Bachir, 1911.
En somme, si les divers règlements municipaux des années 1860 ne semblent pas avoir apporté de changement majeur dans la configuration de l’espace tunisois, ils révèlent néanmoins une prise de conscience de nouveaux problèmes urbains d’un point de vue aussi bien sanitaire que social, en liaison avec l’importance nouvelle accordée à la circulation et aux rassemblements.
Fig. 4 : Tunis, les faubourgs, une rue délabrée, les habitants sont assis pour vendre ,1900.
3.Le règlement sanitaire de 1873 et la création du conseil d’hygiène et de salubrité publique (majlis hafdh al-sahha wa al-nadhafa al-‘umumiyya)
A la suite du programme d’assainissement de Tunis et de ses faubourgs concrétisé par le règlement du 23 juillet 1873, l’éclairage public au gaz (effectué par la Foreign Gaz Company) et la concession du premier chemin de fer (Tunis-La Goulette, Tunis-La Marsa, Tunis-Le Bardo) à la compagnie anglaise Tunisian Railway Company , sont mis en place. Dorénavant les ressortissants européens seront soumis à la taxe de nettoiement des rues de la capitale, idée qui aura mis dix ans avant de s’imposer. L’application des règlements municipaux antérieurs est mise en œuvre par un réel service de recouvrement des amendes et contraventions. Il est envisagé de redistribuer la ville en aqsam(7)ou secteurs et non plus en quartiers plus faciles à contrôler. Ce programme lancé par Khayr-ad-Din dès sa prise de fonction, porte en premier lieu sur les rues de l’ancien « quartier franc » et du faubourg nord(8)
A cette date l’enceinte intérieure de la madina, délabrée en plusieurs endroits est en cours de destruction et sur son emplacement se construit une première voie de ceinture entre Bab Bhar et Bab Suwayqa et de Bab Bhar à Bab al Jazira. A l’occasion des travaux d’assainissement et de réfection des égouts certaines rues sont aussi réaménagées, élargies et régularisées (rue Bab al Khadhra, Bab Bou Saadoun, Bab Suwayqa, Bab Cartagena). Le travail de nettoyage des rues est mis aux enchères quartier par quartier et fait l’objet de contrats rédigés par le conseil municipal. Le conseil principal et les associations de nettoiement composées d’habitants désignés, deviennent un rouage essentiel de l’organisation sanitaire de la ville et de tout ce qui relève de l’évaluation et de la perception de la taxe de nettoiement.
Fig. 5 : Tunis, faubourg sud, rassemblement place du Morkadh, 1906.
Les chefs des associations de quartier servent d’intermédiaires entre les habitants et l’institution municipale. Ainsi cette nouvelle gestion urbaine cherche à composer avec les usages citadins antérieurs afin de rendre opérationnelles les nouvelles règles.
Une autre instance relevant aussi de l’autorité centrale, œuvre en collaboration étroite avec le conseil municipal et le corps de police. Il s’agit du conseil d’hygiène et de salubrité publique de la ville de Tunis dont la création en 1874 a été précédée par un règlement sanitaire qui statue sur la salubrité des rues et des constructions. L’idée de réorganiser l’ancien conseil sanitaire (1835) est évoquée de façon récurrente à partir de 1869.
Les règles de vie urbaine énoncées par le règlement sanitaire de 1873 sont exposées de façon pragmatique avec force détails et se rassemblent autour de trois grandes questions : les ordures et les dépôts, l’adduction d’eau potable et l’évacuation des eaux usées, la salubrité des immeubles.
La distribution d’eau potable est règlementée dans la ville ainsi que le déversement des eaux pluviales et ménagères dans les rues non pourvues d’égouts. Le nouveau règlement interdit aux habitants de déposer leurs ordures ménagères devant leur porte en dehors de certaines heures mais il règlemente aussi l’abandon de cadavres d’animaux et de résidus putrescibles dans les rues ; de même il interdit le dépôt d’ordures ménagères en des points d’amoncellement tout en limitant les autorisations de dépôt de matériaux, terre et détritus de chantier. Prévoyant l’établissement d’égouts souterrains, le décret de 1873 interdit l’écoulement des eaux usées à ciel ouvert dans les rues ; s’il interdit aussi l’usage des bornes-fontaines et des abreuvoirs pour le lavage du linge ou des aliments, il prescrit l’arrosage et le balayage des rues en été et le curage des boues en hiver. Dans la troisième série de mesures ayant trait à l’entretien des constructions existantes, certaines prescriptions concernent l’aération et l’éclairage des habitations ; on règlemente notamment la disposition des locaux destinés à la vente ou à la consommation de denrées alimentaires.
4. Les nouveaux espaces publics et l’hygiène publique, une mise en ordre de la rue (1883-1889)
Dès l’établissement du Protectorat français en Tunisie, est mise en œuvre une codification française sur les espaces publics dans les villes du pays, les anciennes et les nouvelles. Tunis, en particulier, entre dans une phase de mutations rapides, scandée par une forte spéculation immobilière dans le quartier de la Marine que l’on commence à nommer « ville européenne » al blad al-suri par opposition à la « ville arabe », al blad al-‘arbi.
Dans le cadre d’une politique de peuplement colonial, il est devenu nécessaire d’organiser le développement urbain en légiférant sur la voie publique et sur les propriétés foncières et immobilières.
Avec le décret du 1er avril 1885 qui réorganise les communes(9), le fonctionnement et les attributions des conseils municipaux, la charge de shaykh al-madina devient une fonction honorifique. Désormais le président du conseil municipal est chargé sous l’autorité de l’administration supérieure de la publication et de l’exécution des lois et règlements. Les conseils municipaux délibèrent notamment sur les tâches premières incombant à la création des voies publiques , à la suppression au redressement ou à l’élargissement de ces voies, à la dénomination des rues et places publiques , à la création de promenades , squares, jardins publics, champs de foire , de tir ou de course . Ils délibèrent également sur l’établissement des plans d’alignement et de nivellement des voies publiques municipales, les tarifs des droits de voirie et de stationnement, les dépendances du domaine public communal.
4.1- Le règlement de voirie de février 1889
La ville neuve qui se conçoit et se réalise lentement à travers remblaiement, assèchement et fondations des rues et chaussées et des premiers édifices administratifs est une ville ouverte, aérée répondant aux principes de l’hygiène et de la salubrité ; Les ingénieurs de la voirie en charge des tracés et du nivellement projettent des voies publiques rectilignes orthogonales qui découpent des îlots à bâtir carrés ou rectangulaires. La Promenade de la Marine devenue Avenue de la Marine, axe majeur de la ville neuve est recoupée perpendiculairement par les avenues de Carthage et de Paris instaurant les directions du développement du futur espace urbain. En apparence tout oppose cette vision de l’espace urbain au fouillis tortueux inaccessible de la médina et de ses faubourgs dont les voyageurs européens du XIXe siècle ont donné des descriptions significatives. Ici, l’air, la lumière, l’ensoleillement doivent pénétrer au cœur du tissu, l’espace public nouveau, rues, avenues, boulevards, plantations urbaines, promenades, parcs et jardins publics participent de cette volonté de doter la ville neuve dite « européenne » des atouts d’une capitale moderne , sûre et salubre. Le règlement de voirie de 1889 qui sera suivi quelques années plus tard par le règlement sanitaire de la ville de Tunis (1903)(10), codifie et règlemente de façon quasi obsessionnelle la voie publique, les constructions édifiées à l’alignement ou en retrait, les autorisations de voirie, les saillies et les occupations temporaires de la voie publique pour travaux.
Fig. 6 : Tunis , ville neuve , avenue de la Marine, 1903.
Toute construction nouvelle doit d’abord respecter les plans d’alignement et de nivellement de la rue dressés par les ingénieurs municipaux. La Direction des Travaux de la Ville assure les autorisations de bâtir selon les règles conformes à la nouvelle vision qui soumet l’espace urbain à une stricte séparation des domaines public et privé. Il s’agit de passer à une ville moderne, contrôlée, assainie, alignée et plantée. Si son développement s’effectue de part et d’autre de l’avenue de la Marine, elle reste reliée à la ville ancienne par des boulevards, rues de ceinture et axes principaux des faubourgs. L’espace public (dont les voies publiques) y est premier. Les anciens usages sont battus en brèche : on recouvre l’ancien réseau d’égouts à ciel ouvert (khandaq) , on interdit l’arrosage des terres à partir des égouts, on ouvre de nouvelles rues en réalisant des égouts souterrains et on en décrète l’utilité publique et la mise en viabilité. L’alignement et le nivellement devaient ainsi produire un espace urbain radicalement neuf dans la « ville européenne » comme ils devaient influencer le traitement et l’aménagement de certaines rues de la ville ancienne.
Fig. 6 : Tunis, ville neuve, Porte de France ( anc. Bab Bhar), 1905.
La nouvelle législation de l’administration protectrice initiée par les décrets de l’année 1885 se juxtapose dans les faits sans les annuler à des pratiques juridiques et à des usages antérieurs qui devaient survivre jusqu’à la fin du XIXe siècle au moins. A partir des années 1890 et jusqu’en 1914 les règlements et codes administratifs se poursuivront égrenant la mise en ordre de la rue traditionnelle et le passage à une gestion urbaine centralisée.
Sont dites voies publiques, toutes les rues y compris les rues et impasses de la ville ancienne. Pour Tunis à partir du règlement de voirie de 1889 et du règlement sanitaire de 1903, il s’agit de faire rentrer dans le moule d’une nouvelle codification et d’une nouvelle synthèse de l’espace urbain les usages et les pratiques antérieures des espaces collectifs et des rues de la ville. La règlementation urbaine sur la voie publique édictée par les règlements français est minutieuse et garante de l’idée de contrôle, d’ordre, de circulation et d’hygiène publique.
En cela, ces textes ne dérogent pas aux préoccupations de la pensée hygiéniste qui prédominait dans la gestion des villes durant la révolution industrielle en Europe. Ainsi les instances protectrices , classent, codifient, interdisent et créent des taxes et droits de voirie sur tout ce qui existe , vit ou passe dans les rues du point de vue de l’ordre , de l’occupation, de la sécurité et de l’hygiène. Cavaliers, voitures, charrettes, marchands ambulants et colporteurs, mendiants, portefaix, cafetiers, chèvres et vaches laitières, chiens, animaux de bât, rien de ce qui se passe , se trouve et vit dans l’espace de la voie publique -dont l’administration garantit la salubrité , l’ordre et en principe l’accessibilité à tous- ne sera épargné.
4.2-Le projet d’assainissement de la Hara, une percée inaboutie dans le tissu de la ville ancienne à la fin du XIXe siècle (1887-1889)
La philosophie de l’urbain à l’œuvre à Tunis, à la fin du XIXe siècle est profondément marquée par la pensée hygiéniste et règlementaire du moment. C’est face à la ville existante et à la culture urbaine ancestrale une nouvelle ville juxtaposée qui triomphe avec ses tracés rectilignes, ses îlots neufs ses servitudes, ses prescriptions architecturales, ses équipements, ses infrastructures. Dans les zones de contact entre la ville neuve et la ville ancienne (la médina et ses deux faubourgs étant devenus deux « quartiers » de la capitale) et à l’intérieur du tissu ancien existent des parties denses, populaires et populeuses, dégradées, criblées de ruelles et d’impasses étroites aux constructions insalubres et donc indésirables au regard des nouveaux préceptes de l’hygiène publique. Le vieux quartier juif de la Hara pris entre la place Bab Suwayqa et Bab Cartagena focalise à la fin du XIXe siècle les préoccupations de la Direction des Travaux de la Ville, qui y voit un secteur insalubre où l’intervention de l’administration est urgente. En 1887, elle fait appel à une société privée (MM. Casimir Delamarre propriétaire à Paris, Stanislas Ferrand architecte ingénieur à Paris et Pierre Durrel architecte à Lyon)(11) pour la réalisation de la transformation de deux quartiers de la ville ancienne selon les opérations projetées par la Municipalité de Tunis. L’un de ces quartiers est celui de la Hara où l’on prévoit une percée de 10 mètres de large et de 680 mètres de longueur, à partir de la place Bab Suwayqa prolongeant la rue Sidi Mahriz jusqu’à la Porte et à l’avenue de France. La Municipalité et la Direction des Travaux de la Ville ont donc un véritable projet de transformation de l’espace urbain de la Hara et de percée à travers son tissu avec tout ce que cela suppose comme démolitions, expropriations et reconstruction du quartier à transformer. Le projet intéresse selon la Municipalité non seulement la salubrité publique mais aussi l’embellissement et la mise en ordre de cette partie de la ville qui échappe au contrôle.
Fig. 8 : Plan Delamarre-Ferrand-Durrel, La percée de la Hara depuis la place Bab Suwayqa 1888.
Source: Archives Nationales de Tunisie.
Les Archives nationales de Tunisie conservent le document graphique du plan Delamarre-Ferrand-Durrel montrant la percée envisagée depuis la place Bab Suwayqa jusqu’à Bab Bhar à travers la Hara. Cette percée réorganise radicalement les îlots et les rues de part et d’autre d’une emprise de 50 mètres de large jusqu’aux abords de la place Bab Cartagena. La percée aboutit au fond de l place de la Bourse à l’angle des rues de la Qasba et de l’Ancienne Douane. Une proposition de convention et de combinaison financière est faite à la Municipalité par les concessionnaires. La Société propose à la Ville de spéculer sur la mise en valeur des terrains concernés au moyen d’un emprunt amortissable en 60 ans. Elle propose à la Municipalité de Tunis de réaliser les expropriations nécessaires et la mise en viabilité des rues pour ces projets moyennant avance faite par les concessionnaires. Ceux-ci deviendraient locataires de terrains en bordure des voies créées et y construiraient des maisons de rapport qu’ils exploiteraient pendant 60 ans. A cette échéance la Municipalité redeviendrait propriétaire de tous les immeubles et rues créées.
Après examen des propositions de la Société Delamarre-Ferrand-Durrel la Ville à travers l’Ingénieur des Ponts et Chaussée et Directeur des Travaux de la Ville, conclut en 1889 que cette percée n’est pas viable et qu’il serait plus utile de consacrer les sommes à entreprendre le réseau des nouveaux égouts dans la ville déjà voté en 1887 par le conseil municipal.
Fig.9 : La médina de Tunis, les abords de la ville neuve et le quartier de la Hara dont les démolitions ont commencé en 1919, vue aérienne, 1935.
Ainsi le projet de percée dans le quartier juif de la Hara qui intéresse la salubrité publique est-il abandonné provisoirement. La Municipalité entend cependant assainir le quartier de la Hara par l’installation d’un nouveau réseau d’égouts sans exproprier les immeubles et sans supporter les charges de l’expropriation.
L’assainissement de la Hara ne verra pas le jour à la fin du XIXe siècle compte tenu du manque de ressources financières municipales. En revanche le quartier fera dans les décennies suivantes l’objet de nouvelles tentatives d’assainissement (1931, 1933, 1936, 1951, 1961) et concentrera les inquiétudes des autorités publiques. Elles voient dans ce morceau de ville insalubre un réseau de rues et d’impasses mal tracées, mal percées, humides et sales symbole d’une réalité urbaine à éradiquer, incompatible avec la modernité. A quoi s’ajoute la volonté d’annexer cette partie du tissu de la ville ancienne aux règles et aux formes urbaines de la ville européenne extra muros.
Fig.10 :Quartier juif de la Hara, le suq al Grana, 1900.
La question de la propreté et de l’hygiène a été intimement liée à celle d’ordre et de circulation à Tunis. Elle a mis plus de deux décennies à s’affirmer avec les notions de salubrité et d’utilité publique (1858-1880). Tunis accède à la modernité urbaine dans le cadre colonial, mais cette accession s’est faite depuis le milieu du XIXe siècle au cours d’un processus complexe où la ville historique existante est demeurée prégnante. La notion de « voie publique » amorcée dans les premiers règlements du conseil de la Ville de Tunis (1858-1860) à travers la catégorie de tariq al-‘am, est significative d’un changement de statut de l’espace urbain. La rue publique passante, faite à l’usage de tous pour circuler et non pour s’asseoir et pour vendre, celle dont la municipalité doit assurer l’hygiène et la propreté est en passe de remplacer la rue ancienne où les limites du privé du communautaire et du public sont encore floues.
Le nouveau concept d’«utilité publique » fait passer le contrôle , l’organisation et l’entretien de l’espace urbain traditionnel géré par les communautés de quartier et du ressort des particuliers à un contrôle collectif public géré par une institution municipale , par des règlements urbains et par un corps de police. Les règlements d’hygiène et de salubrité publique antérieurs au protectorat français, malgré les difficultés de leur application, attirent notre attention sur les débuts des changements de signification et de statut de l’espace urbain dans cette deuxième moitié du XIXe siècle.
A partir du règlement de voirie de 1889, il s’agit de codifier une nouvelle synthèse de l’espace urbain. L’administration centrale municipale applique à la ville un ensemble de techniques qui définissent un nouvel art de la voirie urbaine où le contrôle s’exerce à travers l’ordre, la circulation et l’hygiène publique.
Fig.11 : Tunis, ville neuve, avenue de France, 1905.
A Tunis, le contrôle de l’espace urbain à partir de la règlementation qui s’est succédé de 1858 à 1914 a représenté un enjeu essentiel lié aux conflits d’intérêts et aux tensions politiques manifestes. La modernité urbaine à l’ère des réformes beylicales et la modernité coloniale y ont produit une ville double où l’alignement et la règlementation de la voie et du domaine public tenteront d’avoir raison des usages et des règles antérieurs. Ordre, hygiène, aération, assainissement, éclairage, voirie publique, plantations qui font la ville moderne, autant d’objectifs et de techniques qui connaîtront résistances de la part de la population et lenteurs administratives ou financières. La mise en ordre de la croissance urbaine de la « ville européenne », la salubrité, la sécurité, le contrôle des acteurs urbains et la promotion de la voie publique seront envisagés et mis en œuvre de 1889 à 1914 au cours d’une lente gestation. Du point de vue de l’hygiène et de la salubrité publique les services d’hygiène, les médecins municipaux et les ingénieurs de la voirie seront chargés de recenser les infractions au règlement sanitaire et de faire appliquer les mesures d’hygiène et le contrôle des habitations et constructions sur la voie publique. C’est après 1914, date qui marque un tournant dans l’expansion urbaine de la capitale que la question de l’hygiène publique trouvera des éléments de réponse concrets, administratifs et institutionnels.
Bibliographie ↑ |
Archives Nationales de Tunisie
Archives Nationales de Tunisie, Série H, carton 55.
Archives Nationales de Tunisie, Série H, carton 56.
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Etudes
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Notes ↑ |
(1)Majlis hafdh al-sahha wa al-nadhafa al-‘umumiyya ( conseil de protection de la santé et de la propreté publique) ou encore Majlis al-Tahaffudh wa al-nadhafa al ‘umumiyya ( conseil de la prévention et de la propreté publique) .
(2) Hénia Abdelhamid, 1999.
(3) A.N.T, série H, carton 56, dossier 620 : Correspondance entre le gouvernement tunisien et les consuls relative à la sécurité et à la propreté de la ville 1857-1887 : Cf aussi idem, série H , carton 66 , dossier 800 : Correspondance du conseil sanitaire, 1856-1860 .
(4)ANT, série H, carton 55, dossier 603, document 4.
L’ « utilité publique » considérée comme une cause du développement de la civilisation est évoquée également dans une lettre du général Husayn (premier raïs al-Baladiyya de 1858 à 1865) adressée au Bey le 19 novembre 1858 : constatant la dégradation de la capitale, celui-ci demande instamment des moyens adéquats à l’autorité centrale (ANT, Tunis, série H, carton 55, dossier 606, document 1).
(5)ANT, Série H, carton 56, dossiers 621 et 623, documents n° 163 et 167 : Décret du 2 juin 1872 : cf aussi M. Bompard, 1888, p. 332-333.
(6)ANT, série H, carton 56, dossier 621, document 17. Sur sept articles, six sont relatifs non seulement à l’entretien de la propreté des rues, mais aussi à celle des habitations.
(7) La question de la division de la ville en secteurs (aqsam) superposés aux quartiers (huwam ou humat) demeure insuffisamment élucidée. Les aqsam se superposent sans s’identifier aux quartiers existants. On en retrouve la trace en 1846-1847 dans les premiers registres établissant les taxes locatives de la kharrouba ou recensant les constructions de la ville (ANT , Série H, registre n° 2286, 1846-1847, recensant les biens immeubles nécessitant une restauration.
(8)C’est après l’accession de Khayr ad-Din au Premier ministère (1873-1877) que la notion d’espace public acquiert véritablement droit de cité. Le pouvoir central édicte un cadre légal qui engage la modernisation de l’espace urbain , au nom de l’intérêt général. En parallèle le nouveau grand vizir crée un département des travaux publics au sein du ministère de l’Intérieur dont le Général Husayn a la charge. Un bureau d’études est ouvert pour la capitale, dont la direction est confiée à l’ingénieur des Mines Philippe Genreau (1875-1879) aussi chargé de la voirie et des constructions neuves.
(9)Ce décret permet au shaykh al-madina de déléguer ses fonctions aux deux vice-présidents qui eux, relèvent du résident général de France à Tunis. A partir de ce décret l’équilibre des pouvoirs urbains est clairement soumis à la domination de l’administration du Protectorat.
(10)Le règlement de voirie divise la zone urbaine en trois parties , « le quartier européen », la médina et ses faubourgs .Cf . J.Valensi, 1904, 271-298. Le règlement sanitaire de 1903 divise la ville en 20 quartiers auxquels s’ajoutent les quartiers Nord et Sud de la Marine. Il établit les règles sanitaires et d’hygiène sur la voie publique et à l’intérieur des constructions privées. Les médecins municipaux et la police sont chargés de l’application de ce règlement.
(11) ANT, Série H, Carton 621, Dossier 14/111. La transformation de la place et du quartier Bab Suwayqa et le prolongement en percée de la rue Sidi Mahriz ont été déclarées d’utilité publique par décret en date du 9 février et du 25 octobre 1885.
Pour citer cet article ↑ |
Leïla Ammar, «Propreté, hygiène et espace public à Tunis à travers les usages et la réglementation, 1858-1914.», Al-Sabîl : Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’architecture maghrébines [En ligne], n°10, année 2021.
URL : http://www.al-sabil.tn/?p=7613
Auteur ↑ |
(*) Leila Ammar Maître de Conférences – Université de Carthage. Laboratoire d’Archéologie et d’Architecture Maghrébines – Université de la Manouba.